Un vrai festin de Mt Noir !
Jeudi 28 mai 2015, vélo de route, Vercors, les "5 Mt Noir", 176 km, 5939 m D+ en 12 h19
Le col du Mont Noir joue un rôle particulier dans mon histoire cycliste. C'est le seul endroit où il m'est venu à l'idée de répéter, le même jour, plusieurs grimpées d'affilée par une route ou l'autre.
J'aime bien son côté confidentiel , la multiplicité des itinéraires qui y mènent ... et maintenant tous les souvenirs qu'il évoque pour moi.
En 2011, je bouclais les 3 faces pour la première fois
En 2012, je remettais le couvert pour 4 montées avec la compagnie de David pour les deux premières.
Dans les deux cas, j'avais eu à affronter une grosse chaleur l'après-midi.
Ce WE, en regardant la météo, je ressens tout à coup un petit frisson d'anticipation caractéristique. jeudi est LA journée. Beau. Pas de vent. Températures raisonnables. ENFIN !
Comme j'ai prévu de rouler avec Véro, je lui propose mon idée. Elle me rejoindra après mon premier passage au Col du Mont Noir.
Véro roule peu, mais a une 'caisse" incroyable grâce à toutes ses activités de montagne. Elle n'aime pas rouler sur du plat, mais le dénivelé ne l'inquiète pas du tout ! En fait elle ne se rend même pas compte que pour beaucoup de cyclistes, UN Mt Noir c'est déjà un objectif :-)
Col du Mont Noir n° 1 , la faune matinale (en 1h47)
Cognin, 5 h 25, c'est parti.
Mais qu'est-ce que je fiche à 5h25 à Cognin !!!!
J"ai déjà pris 25 minutes de retard sur mon planning . C'est malin. J'ai oublié de prendre de l'essence la veille, et ce matin la première pompe n'a pas voulu de ma carte. Et déjà j'avais fait la grasse mat' de 3h45 à 4 h :-(
Pour cette première montée, je suis en mode "gestion" délibérément . C'est très confortable et m'ammène au sommet en 1h47 , presque sans effort. Je me souviens surtout de tous les animaux que j'ai vu, biches, lièvres et écureuils qui se promènent tranquillement sur la route.
Je grimpe avec le maillot manches longues de la TMV et cela suffit, mais la température chute rapidement. Au sommet, il fait 4°C ! Je mets les jambières , deux buffs, les gants et deux petits coupe-vent l'un sur l'autre. J'ai pris tout ce chargement dans un petit sac en vue de la première descente.
J'envoie un message à Véro signalant mon retard, mais elle est déjà en route pour aller de Cognin à St Gervais, et elle va geler pendant une demi-heure en m'attendant. Mes erreurs d'organisation ne s'arrêtent pas là : je n'ai presque plus de batterie de téléphone ... et je m'aperçois une fois au milieu du tunnel des écouges que la frontale que j'ai prise est très, très, très insuffisante.
J'enlève une cale ... je patine à moitié ... je zigue-zague et manque de taper les parois du tunnel. Je finis par marcher un peu car je ne suis pas du tout à mon aise. Ca n'arrange pas mon retard :-(
Je retrouve quand même Véro devant l'église de St Gervais ... et toutes les deux pas bien réchauffées, nous attaquons la seconde montée.
Mont Noir N°2 : en discutant (en 2h avec le passage à l'extérieur du tunnel, un peu de marche)
Un peu plus haut nous sommes doublées par David Polveroni , qui part pour une boucle en direction d'Herbouilly. Nous discutons avec lui quelques instants avant qu'il s'envole vers le haut . Pour le franchissement du tunnel, Véro a une lampe, mais je lui propose le passage à l'extérieur.
Le reste de la montée passe très bien tout en discutant. Je n'aime pas beaucoup les longues lignes droites entre le Col de Roméyère et le sommet, mais en pleine conversation, je ne me rends même pas compte qu'on arrive ... je suis juste avertie par le très beau passage où on a une superbe vue sur le Vercors central.
La température est maintenant de 13°C à 1400 m, à 10 h du matin. C'est velours.
La seconde descente nous amène à Cognin les gorges. Je retrouve la voiture, où je peux me débarasser du petit sac avec les vêtements chauds. j'ai aussi une glacière avec des vivres, des jus de raisn, des yop, et même de la salade de riz. L'auto-assistance dans toute sa splendeur :-)
Je n'ai plus peur comme en 2011 de m'approcher de ma voiture et de ne plus arriver à repartir.
Véro n'a pas de ravitaillement donc nous faisons un rapide passage à l'épicerie de l'autre côté de la route, où je prends aussi un café.
Et c'est parti pour la troisième grimpée, la seconde pour Véro, par la route que nous venons de descendre (c'est donc ma seconde montée par cet itinéraire)
Il est 11 h et je suis toujours très en retard sur le planning de 2012 ...
Mont Noir n°3 : sans perte de temps (en 1h48 pause comprise)
La grimpée par Malleval est la plus efficace. Nous allons grimper une fois de plus en discutant. Véro a toujours eu un rythme supérieur au mien en montée, et j'essaye de ne pas me laisser influencer. En particulier, elle accélère quand la pente se redresse. Parfois elle prend un peu d'avance, et je la retrouve un peu plus loin avec ses affaires étalées sur la route ;-) Elle a cherché quelque chose dans son sac .
Le reste du temps, la conversation va toujours bon train.
Entre le village de Malleval et le sommet, le rapport Strava montre que j'ai mis une petite minute de plus que le matin, sur cette 3 eme montée. C'est très correct ... pour l'instant il n'y a presque pas de "dérive" . De plus les sensations sont bonnes.
Nous allons maintenant descendre sur le Faz / St Pierre de Chérennes , et jusqu'à la D1532 près de St Romans. Cette descente est neaucoup plus relaxante qu'en direction de Malleval, le revêtement est bien meilleur. Sur une journée comme celle-ci, où les montées vont représenter presque 10 heures sur les 12 roulées ... le moindre instant de repos est précieux.
Col du Mont Noir N°4 La balade (en 2h30 avec la pause "tarte" )
Véro adore les petites routes (et a même un peu la phobie des grandes, et ne parlons pas des nationales ) , et j'ai envie d'inclure un épisode un peu plus "balade" dans ces montées de col. Même si cela ajoute un chouia de D+ supplémentaire et de temps.
J'ai donc l'idée de remonter non par le Faz , mais par le Col de la Croix Bernard. L'autre jour, j'y suis passée, il m'a bien plu. Nous pourrons ensuite faire une pause chez Ezio ... avant de poursuivre par la petite route assez longue qui passe par la fontaine de Pétouze.
Il est 14 h et il fait bien chaud jusqu'à la bifurcation vers la Croix Bernard . Nous manquons d'accoutumance à la chaleur, la fatigue commence à se faire sentir (surtout pour moi !!!!) et on cherche l'ombre. Cela va beaucoup mieux après la bifurcation. Et bientôt on nous retrouve attablées à la terrasse d'Ezio entrain de manger une tarte aux noix (délicieuse)
Quand Véro commence à trouver ça long, elle accélère ;-) Logique non ? Moi à ce stade, je ne suis plus dans la gestion : je ne peux tout simplement plus modifier mon rythme.
Il nous faut encore une heure pour gagner le col du Mt Noir, en arrivant via la route des Croisettes.
Un sympathique VTTiste nous sert de photographe ! C'est super rare de rencontrer quelqu'un là-haut !
De nouveau, nous redescendons sur Cognin les gorges.
"Le soleil tape ... Il est déjà 17 h. C'est tard. Je vais mettre trois heures à remonter là-haut "
"Et alors ! tu vas mettre trois heures , il sera 20 heures, tu auras encore deux heures de jour ou presque ... paresseuse ... c'est l'occasion où jamais de faire les 5 "
Mon dialogue intérieur achève de ma convaincre. En me ravitaillant une fois de plus à la voiture, je fais sans en avoir conscience un truc incroyable : j'enlève mes chaussures de vélo et je mets mes sandales !!!!! Quand je découvre les sandales à mes pieds je m'engueule intérieurement et je remets les chaussures de vélo.
Je is à Véro que je vais faire cette montée au mental, que je ne veux pas qu'elle m'attende. Je veux me sentir libre de mettre autant de temps que je veux, de faire des pauses si nécessaires ... d'être dans ma bulle aussi. En fait elle m'attendra ... commençant à apprécier elle aussi les pauses ...
Mont Noir N°5 : au mental
La rampe terrible au dessus de Cognin s'est redressée depuis ce matin. Qui a fait ça ? Cette première partie est vraiment difficile pour moi, je "rame" . Je découpe mentalement la montée en plusieurs morceaux. Quand tu atteindras la partie en encorbellement, la pente sera faible . Quand tu atteindras Malleval, tu auras dépassé la moitié. Quand tu atteindras la Patente, tu pourras commencer à jubiler.
Il me faut plusieurs micro-pauses .. au prétexte de prendre des photos ...
En fin de compte, l'atténuation de la chaleur peut-être, après Malleval ça commence à aller mieux.
Comme je suis contente ...
De voir la Patente ...
je ferais bien un bisou à la pancarte.
Je sais que d'ici un quart d'heure environ je vais cocher la 5 eme croix.
On rigole de notre dénivelé. Véro n'atteindra pas les 5000 m D+ pour 30 m , ni moi les 6000 m D+, pour 60 m . On s'en fiche d'ailleurs ;-) Ce qu'on veut, c'est le dernier Mont Noir.
Sommet de la dernière petite bosse ... les yeux me piquent . Deux coups de pédale ... et on arrive au col par ce petit passage plat ... tant parcouru ...
Marrant d'ailleurs, car dans toute cette montée "sans coeur et sans jambes" j'étais persuadée que je n'avançais pas du tout. Pourtant , je suis restée sous les deux heures , ce qui est honorable pour une 5 eme montée (celà fait une dérive d'environ 8 mn par rapport à ma montée N°1) . Je dispose donc d'un mode survie intéressant ;-)
Il reste une dernière descente ... vers Cognin, et la voiture ;-)
Où j'aurai le droit d'enlever mes chaussures.
La descente est déjà très fraîche à 19 h 30
Je m'arrête pour prendre en photo le panneau de Cognin, je ne sais même pas pourquoi.
Quand je m'arrête il me prend d'un coup ... une fringale énorme ! Je jette sur mon reste de sandwich comme une sauvage., ainsi que sur tout ce qui reste dans la glacière.
Je ne ferai jamais six Mont Noir dans la journée ;-)
Par contre l'intégrale reste à faire, avec les cinq faces différentes. C'est beaucoup plus long ; il y a peut être quelques descentes moins éprouvantes comme la Bourne . Sinon terminer en descendant sur St Pierre de Chérenne avec un retour par MontChardon est magnifique ... oui mais là non ... aujourd'hui je ne me voyais pas faire ça !
Ce genre de défi est très différent d'un brevet longue distance. Sur des distances de 400 ou même 600 km, on est éprouvé par le manque de sommeil, mais normalement on ne va pas au bout des jambes. Si l'on regarde la FC moyenne, elle est 10 pulses plus élevée sur une série de cols, que sur un brevet coef 1 ou 1,2 . Musculairement, il n'y a pas de repos, ou alors il faudrait des descentes très douces. C'est un bon travail du mental aussi, car il faut chercher dans ses propres ressources et motivations, il ne s'agit pas juste de rentrer à la maison.