En route vers l'Ouest (PBP 1/3)
Samedi 15 août 2015
Je n'y tiens plus … je quitte mon domicile à 6 h30 ...même si je ne suis attendue qu'à 18h15 à St Quentin en Yvelines pour le contrôle des vélos et le retrait de ma plaque.
Et si … si ma voiture tombait brutalement en panne … si l'autoroute était bloquée par (rayer la mention inutile) un cyclone, une tempête de neige, un carambolage monstrueux impliquant 154 véhicules, un incendie de forêt, une manifestation des anti Paris-Brest-Paris ?
Je me sentirai beaucoup mieux une fois sur place. A condition que je n'aie pas oublié (rayer la mention inutile) mon vélo, mes chaussures, mes lampes, mon cuissard, mon accréditation, ma carte d'identité ou ma tête.
Je rejoins mon hotel à St Cyr l'école … la circulation est faible en ce WE d'aout mais l'émotion est grande en voyant autant de cyclos circuler partout dans les rues … tous avec lampes, sacoches, gilet … j'en ai la chair de poule .
Je découvre bientôt le vélodrome et toute l'organisation mise en place pour Paris Brest Paris . ENORME !
Vivement dimanche !
Heureusement le trajet comme le contrôle des vélos se passe bien. J'ai même l'occasion de dépanner un participant qui n'a pas rempli ses papiers pour la voiture d'assistance, vu que j'ai les papiers en question, et pas de voiture d'assistance !
Je retrouve les copains : Franco, Robert, Yann, les Atscafiens Bruno , Florian et Alain, puis Michel Aubriot.
Nous nous organisons pour le repas du soir au grill à côté de l'hotel , nous sommes huit : J'ai pour compagnie Michel et les deux copains de son assistance, Lionel, Franco, Robert ainsi que l'ami Laurent B. qui habite dans le coin et est venu me rendre visite. La soirée est détendue et ça fait baisser la pression !
Dimanche 16 août …. tous en place !
Je prends mon temps, en ce dimanche matin, pour préparer et re-préparer mes affaires avant de me rendre au vélodrome où je laisserai un petit sac à la consigne.
Dans l'ensemble, au vu de la meteo, je fais des choix plutôt orientés vers la légèreté : pas de maillot de rechange, petite veste de pluie plutôt que la grosse, pas de « sac à viande » pour la nuit, un seul cuissard de rechange. En revanche je ne fais pas l'impasse sur l'éclairage avec deux frontales de secours en plus du phare et de ses deux batteries.
Je retrouve Bruno (du 91) et nous déjeunons ensemble sur place. Le repas (à réserver à l'avance) est excellent … il rencontrera d'ailleurs un tel succès que les atscafiens , arrivés un peu tard pour se sustenter, ne trouveront littéralement plus rien à manger !
Je rejoins ensuite Patrick et Valérie au camping car, où je retrouve également Franco et Robert, puis Cricri . On essaye de se détendre un peu avant de se placer dans les sas de départ. Pour Franco et Robert, le départ sera à 16h30, pour Cricri à 17h45, et pour moi à 18h15 . Lionel part également dans les premières vagues , tandis que Patrick attendra demain matin pour s'élancer vers Brest avec son copain Manu .
Dimanche 16 aout, 18 h, enfin !
18 h, je suis enfin dans le sas avec 300 autres participants, dont Yann, Bruno, Florian et Alain. On nous fait avancer … le temps s'accélère … une minute … cinquante secondes … les larmes me brouillent la vue .. vingt secondes … cinq … quatre... trois … deux … un … me voici dans le flots des cyclos, essayant de faire signe à Valérie qui m'attend au coin de la rue …
Ca part fort, et facilement. J'ai la sensation d'avoir un fort vent dans le dos … ou d'être aspirée par quelque chose …. alors même que l'émotion me coupe encore le souffle. J'essaye de retrouver un peu de calme. Il me faut 15 km pour prendre mon rythme.
Le terrain reste facile, très roulant. La sensation que j'ai gardée est que dans cette partie, il est facile de trouver des personnes avec qui rouler à bon rythme tout en discutant. Par contre le terrain me fait « perdre » mes compagnons de route assez rapidement : ainsi j'échangerai, avant la tombée de la nuit, avec un italien de Modène, avec un canadien de Toronto, et avec un gars du pays de Gex qui a fait ses brevets à Bourg en Bresse. Je perdrai deux d'entre eux en les larguant dans une bosse tandis que l'autre filera dans un descente …
A peine 60 km après le départ, il y a déjà un gars qui dort sur le bord de la route … je le sens mal barré …
Passer de l'anglais à l'italien et réciproquement est un exercice qui me demande beaucoup de concentration …. est-ce pour cela qu'une fois la nuit noire, j'entre das une bulle de solitude ? La nuit est douce et magique, avec un ruban rouge s'étirant à l'infini , « big red snake » constitué de centaines de petites lumières .
L'observation des vélos, de leur éclairage, de leur chargement est une bonne occupation pour traverser ces contrées sans grandes difficultés autres que des ondulations à 4 % . A un moment donné, on rattrape les premiers vélos spéciaux.
Je croise presque perpendiculairement, mon itinéraire du J3 de Normandie l'an dernier, à Chateauneuf en Thymerais (où je m'étais bien battue contre le vent)
Tout le monde parle des fameuses « bosses » de la section entre Longny-au-Perche et Mortagne, le premier point d'accueil de Paris-Brest-Paris. Je suis ravie;-) … et comme d'habitude, si je me fais larguer sur le plat, je remonte plutôt du monde en bosse, ce qui est encourageant. De manière globale, les participants sont plus rouleurs que grimpeurs, parfois lourdements chargés, et ils appréhendent les montées un peu longues.
Six heures après mon départ, je suis à Mortagne, avec un peu plus de 140 km au compteur … bien contente. Je découvre ce qu'est un point d'accueil sur PBP en pleine affluence !!!! En effet, j'ai cette caractéristique, parmi les personnes inscrites, d'être « moyenne ». Un vrai stéréotype ! Du coup, je fais la même chose que tout le monde, en même temps que tout le monde.
Et cela prend pas mal de temps …j'ai une petite faim mais l'affluence au self m'affole, j'opte pour un pain saucisse au « grill », dehors, mais là aussi, c'est un peu la panique ! Je crois que je serai la dernière à avoir du pain avec ma saucisse;-)
C'est reparti dans l'obscurité vers Villaine-la Juhel . La nuit se déroule sans anicroche et je n'ai gardé que peu de souvenirs de cette section … à l'exception de l'incroyable … le café offert en pleine nuit en bord de route , avec le sourire …
Lundi 17 aout , 4 h35 , Villaines la Juhel
Lorsque j'entre dans le village du premier contrôle, je suis sidérée de voir l'implication de cette commune dans cet événement sportif … si peu médiatisé dans nos régions.
La première chose que je vois, c'est l'épicerie ouverte 24h/24 pendant la durée de l'épreuve. Incroyable ! Du coup, je vais acheter deux bananes avant même d'aller pointer. Les bananes rencontrent un grand succès parmi les cyclos d'ailleurs !
La rue est littéralement recouverte de vélos. C'est presque effrayant ! J'ai peur de ne pas retrouver le mien au retour. Il y a des gens partout, et bien sûr c'est la même chose dans l'espace restauration, où je trouve quand même moyen de manger quelque chose. Pour moi d'ailleurs c'est plutôt l'heure du petit déjeuner;-) … pourtant on sert encore le dîner.
Toute cette affaire, une fois de plus , avec pas mal d'hésitations de ma part, prend pas mal de temps.
Je repars dans la pénombre, mais cette fois cela ne dure plus très longtemps … le jour pointe timidement le bout de son nez, dans une brume épaisse et froide. Je ne vois plus grand monde car les cyclos qui sont dans le coin à ce moment sont beaucoup plus rapides que moi, mais s'arrêtent beaucoup plus. Ainsi ils me doublent 2 fois, 3 fois, toujours très vite, toujours les mêmes. Cela durera toute la matinée. C'est même un peu énervant.
En bas d'une descente, je vois une boulangère qui tient un petit stand, elle vend des pains au chocolats sortis du four et du café … c'est un pur délice au milieu du brouillard. Je repars avec une énergie nouvelle, et peu avant 10h du matin, je pointe à Fougères .
Je ne m'y attarde pas trop. Je suis furieuse contre mon appareil photo, qui me refait le coup de la panne comme ce printemps. La même panne. Or la ville est très jolie avec son château et la belle place qui se trouve à son pied !
Fougères-Tinténiac
Fougères, c'est le début de la Bretagne. C'est aussi presque la moitié de l'aller vers Brest.
L'étape suivante est la plus courte de PBP, 55 km pour rejoindre Tinténiac.
Entre temps, je suis informée que Cricri a pris une avance de plusieurs heures sur moi. Il est parti avec une demi-heure d'avance sur moi, et comme à tous les brevets, j'étais plutôt devant , j'espérais un peu au moins le revoir à un contrôle. Je dois oublier cette idée.
Je fais une pause repas à Tinteniac , il n'y a pas trop de monde. J'ai un coup de mou : une gêne au genou droit, au petit orteil un peu serré dans la chaussure, et mal à la fesse gauche. Pas même 400 km et j'ai mal partout:-) … c'est n'importe quoi.
Bizarrement, quand je repars ces petits bobos ont totalement disparu. Ils ne m'ennuieront plus jusqu'à la fin ! Etrange quand même !
Tinténiac-Loudéac
En revanche je n'ai pas du tout sommeil et je repars vers Loudéac où m'attend un ennemi familier : un petit vent de face tenace et usant. Et toujours pas moyen de trouver un groupe dont l'allure me convienne. Je me résigne à la solitude quand je fais connaissance de Shirley .
Shirley vient de Singapour. Elle accompagne son copain sur PBP mais semble avoir laissé tomber l'idée de le boucler entièrement. Elle est fatiguée et elle souhaite juste rallier son hôtel réservé à Loudéac. Nous allons faire route ensemble jusque là, et c'est un moment fort sympathique et convivial qui me fait oublier le vent. Je l'attends un peu dans les bosses (faciles sur cette section) , mais elle a un bon coup de pédale sur le plat et le fait de me retrouver en bonne compagnie me redonne une bonne dynamique.
Tout en discutant, les longues lignes droites un peu pénibles (et parfois circulantes) sont avalées jusqu'à Loudéac. J'ai passé un bon moment avec Shirley . Quand je repars de Loudéac, nous échangeons nos coordonnées pour nous retrouver sur Strava et Facebook, et elle me fait cadeau d'une friandise pour la route;-)
J'apprendrai ensuite que mes deux tantes qui habitent en Bretagne ont fait le voyage depuis la région de Vannes pour tenter de me voir à Loudéac ... elles en repartiront quelques minutes à peine avant mon arrivéee :-( snif ...