Loudéac - St Quentin (PBP 3/3)
Mardi 18 aout, Loudéac, 23h40
La nuit précédente, je m'étais jurée de demander un coin de tapis et une couverture chez l'habitant, pour avoir chaud. La journée estivale m'a fait un peu oublier cette affaire, et je me retrouve dans le dortoir du collège. Cette fois nous avons des couvertures en non tissé comme dans certains trains ... ça n'est pas très chaud, mais c'est mieux. J'ai réussi à dormir deux trois heures d'affilée avec mon bonnet de nuit ;-) ... j'ai quand même un peu froid au réveil.
Je remarque en me levant que je ne tiens pas bien debout ;-) comme quand on est réveillé brusquement au beau milieu de la nuit. La sensation désagréable se dissipe en prenant un petit dej comme si c'était le matin. Sommeil, repas, tout est complètement décalé !!!
J'ai du traîner un peu car lorsque je pars un coéquipier de Séverine me signale qu'elle est partie. Elle a pensé que je n'avais pas trouvé de place au dortoir. Ce n'est pas très grave, on a convenu de rouler ensemble quand nos rythmes s'accordent, sans aucune contrainte.
Cette section est facile et je trouve souvent dans de bons groupes ; nous sommes souvent 20 et plus à rouler ensemble ... tout est calme ... la nuit est de nouveau très fraîche et étoilée.
A Quedillac, je retrouve Séverine qui grelotte. Elle prend un petit déjeuner pour se réchauffer, j'en profite pour faire une pause aussi et nous repartons ensemble. Je la devance dans les bosses et elle ne souhaite pas que je l'attende.
Dans la descente après Becherel (qui me fait inévitablement penser à l'excellent site sur les fautes d'orthographe "publiques" Bescherelle ta mère ) elle revient facilement sur moi ... car je suis victime de la forme classique de l'attaque de sommeil , qui frappe à l'aube et en descente, vous ralentit et provoque une gêne visuelle avant de vous faire rouler en zig zag. Je connais ce phénomène, il est assez dangereux mais dure peu et n'affecte pas mon moral.
Heureusement la descente est courte, et je me reprends un peu pour atteindre Tinténiac. Avec Sev nous nous séparons de nouveau, car elle va rejoindre sa voiture d'assistance.
Après un thé et deux croissants, j'avise un coin de moquette dans la cafet bien chaude qui me plait. Je m'allonge, tête sur mon sac, au mileiu des autres et dors une bonne vingtaine de minutes d'un sommeil profond et très réparateur, et je repars en pleine forme.
Je double Sev un peu plus loin ... elle a sommeil à son tour ... alors je continue ma route ...
Pendant un petit moment, je me retrouve avec un couple en tandem. la dame soufre d'un terrible torticolis qui l'oblige à garder la tête baissée.
Le jour peine à arriver vraiment, car comme les autres jours, il y a beaucoup de brouillard. Mais c'est le soleil qui nous attend dès qu'il se dissipe ... la petite étape Tinténiac-Fougères est vite avalée.
Cette fois, je prends le temps d'un petit arrêt avant le contrôle pour garder un souvenir du chateau et de cette jolie ville, avec une autochtone en guise de photographe.
Il reste un peu plus de 300 km. Ca reste une sortie de la journée, quand on commence la journée tôt. Si je pédale tout le long ... je vais arriver au milieu de la nuit. C'est pas drôle !
A ce moment là, je me sens très bien et je n'envisage pas de m'arrêter pour autre chose qu'une petite sieste comme celle, miraculeuse, de Tinténiac.
Après avoir pointé à Fougères, je continue tranquillement.
L'étape suivante va être marquée par de nombreux arrêts, car partout les habitants ont mis en place de petits stands où l'on peut trouver, souvent gratuitement, du jus de fruit, du thé, du café et même des gateaux ... parfois d'autres choses encore pour 50 c ou 1 € . Du coup je ne me préoccupe pas du repas de midi , me contentant de manger un petit truc quand j'ai faim : l'occasion d'échanges bien sympathiques entre cyclos et avec les habitants.
20 km avant Villaines la Juhel, je trouve un petit groupe de cyclos du Nord de la France (l'un portait un maillot du club d'Orchies) vraiment sympa et du coup je vais retrouver un peu de rythme ! Ca roule bien, fluide, et je me crois sur une sortie avec le boss ;-) ... je n'aurais pas pu continuer très longtemps ainsi mais avec 1000 km dans les jambes ... j'ai apprécié ce moment .
Merci à vous les cyclos d'Orchies !
L'arrivée à Villaines la Juhel disperse le groupe ... et me boulverse ... il y a , non pas des centaines, mais des milliers de spectateurs qui applaudissent et encouragent chaque cyclo. J'en sanglote derrière mes lunettes ... ouah ... c'est trop, trop beau !!! Je n'oublie pas de pointer quand même ... il reste 220 km
Ca me semble une distance tranquille ... 220 km, comme le 31 juillet. Une bonne petite journée de vélo. Sauf que l'après-midi est déjà bien avancé ...
Un peu plus loin, je retrouve Rémi pour un petit bout de route. Je le croyais devant .
De nouveau, je vais le laisser partir car je veux refaire une petite sieste dehors pendant qu'il fait bon. Je dors 15 mn dans une sorte de petit jardin en prenant soin de mettre le réveil.
Olive me conseille de profiter de cette dernière partie et de prévoir une arrivée de jour ... un excellent conseil car je suis un peu "inconsciente" de ce qui m'attend ... et j'imaginais rouler ainsi sans arrêt jusqu'à l'arrivée ... ce qui n'était pas possible.
Je prévois donc de dormir à Dreux, pour repartir tôt le matin. Je me sens "large". Et du coup je profite un peu trop. Mes arrêts deviennent un peu trop nombreux ... et trop longs. Je traine à Mamers où l'on peut manger de la soupe et de la salade de fruits ... je réponds même à une interview ...
En jouant un peu avec la voiture des cameramen ... je franchis les dernières bosses dans la belle lumière du soleil couchant pour atteindre Mortagne au Perche ... à 140 km de l'arrivée. Une fatigue insidieuse s'installe. Je grimpe toujours ... je ne m'endors pas ... mais je ne vois plus tout à fait les choses sous le même angle.
Maintenant, Dreux, c'est loin, et St Quentin en Yvelines , encore plus. A Mortagne, je retrouve Valérie qui attend Patrick. Bruno du 91 est peut-être encore là aussi ... mais je ne le sais pas.
J'essaye de dormir quelques minutes mais ça ne marche pas ... je repars à la nuit tombante.
Je me souviens qu'un gars me raconte des trucs en anglais, il est difficile à comprendre et me pose plein de questions "culturelles" ... franchement il me saoule ... je n'ai plus la tête à ça !
Les bosses jusqu'à Longny passent encore bien mais ensuite je traverse un moment difficile.
Je suis seule dans la forêt qui précède Senonches, noire et lugubre, parfois doublée par des groupes rapides murés dans le silence. En plus il tombe des gouttes. le seul avantage, c'est qu'il fait doux.
Je ne souffre de rien, je ne m'endors même pas. C'est juste que je me sens comme ma lampe, quand le voyant, au lieu d'etre au vert, passe à l'orange. Il faut vite arriver à Dreux et recharger les batteries, sinon je vais passer au rouge. Je vais m'endormir d'un coup au bord de la route, zapper le lever du jour et me réveiller à 10 h du matin ... trop tard ...
Mais j'ai une bonne étoile qui veille sur moi.
Le secours vient d'un petit groupe d'américains, ou plutôt de Suédois vivant aux états unis. Comme moi ils tombent de sommeil. On va s'entraider jusqu'à Dreux ... boire un café ... chanter ... à un moment mon cerveau bugge et je me mets à parler italien au lieu d'anglais :-) ... ce fut dur, mais on a passé un bon moment. Je les ai perdu à Dreux ... et pas retrouvés ... Merci à vous trois qui avez traversé avec moi cette nuit épaisse !
A Dreux, à deux heures du matin, je trouve refuge dans une salle où il fait bon, garnie d'épais matelas , et je dors profondément pendant trois heures. Je me réveille un peu au radar (je sais juste une chose : je dois retrouver mon vélo, et pédaler jusqu'à St Quentin en Yvelines) , mais requinquée, et les croissants sont délicieux !
En route pour la dernière étape ... courte et facile ... là encore, je trouve un compagnon de route agréable ... et on se rapproche ...
Arrivée à 10 km ... de nouveau, les larmes me montent aux yeux .
Non, pas tout de suite ... pas encore ...
Il est 8 h du matin. Olive, je vais le faire. je vais être finisher de PBP ... cette épreuve dont tu m'as tant parlé.
Encore quelques tours de pédale sur la piste cyclable.
Et c'est l'arrivée, après 86 h et 22 mn . Les copains qui m'acclament , qui est là ? Cricri, Lionel ... les Atscafiens ! Puis bientôt Franco et Robert ...
Cricri, c'est toi qui m'a fait connaître la longue distance ...
Il n'y a pas de mot ...
Douche ... retrouvailles ... repas ... et nous retrouvons bientôt Bruno, Séverine et Rémi, qui arrivent peu après moi.
Plus tard, je partagerai également un moment avec Patrick et Valérie . Patrick et Manu, partis lundi matin à 5h15, terminent à 11h35 en moins de 80 h .
TOUS les membres de la Team (Cricri, Franco, Robert, Patrick, Manu, Lionel et moi ) sont arrivés largement dans les délais ... à noter l'énorme performance de Lionel, qui termine mardi son épopée solitaire en 52 heures ! Cricri, Franco et Robert ont terminé mercredi soir "à l'heure de l'apéro" :-)
Quelques liens ...
une video où je passe à 1mn42
Video du départ
et bientôt d'autres ...
ainsi qu'un petit article "conclusion" de cette magnifique épopée ... qui j'espère donnera envie à certains (certaines) de goûter à la longue distance ...