Aventures rocambolesques dans le massif des Vosges
Samedi 30 avril 2016, vélo de route, massif des Vosges (départ de Mulhouse), 224 km / 3443 m D+en 11h05 (total 13h13)
Parfois il n'y a pas grand chose à raconter autour d'une virée en vélo : on décroche le vélo, on pédale, on accélère, on grimpe une bosse, et on rentre ... et parfois une journée de vélo devient une véritable aventure émaillée de rencontres, d'anecdotes et de moments difficiles comme de moments d'allégresse ... qui marque !
Autour de ces brevets (il y a un 200 km et un 300 km) du CCK (Cyclo Club de Kingersheim) , il y a tout d'abord une organisation au top, sur le pied de guerre, qui se débat depuis le début de la semaine avec la malchance, puisque le parcours a dû être modifié deux fois dans les 5 derniers jours. La météo hostile prévue pour la fin de journée de samedi sera-t-elle la goutte d'eau qui fait déborder le vase ? Un soupçon d'inquiétude se fait sentir ...
Un BRM (Brevet de Randonneurs Mondiaux), ce n'est pas seulement une certaine distance à couvrir en vélo. Il faut mentionner l'avant et l'après, et toutes les rencontres que cela occasionne.
Si j'ai mis une option sur ce brevet, c'est grâce à Pascal Bride, grâce aux récits du Trirhéna, par envie de découvrir cette région en vélo, parce que c'est un brevet typé "montagne" mais aussi parce que plusieurs de mes amis de la Team Mont Ventoux ou non, se sont regroupés autour du projet.
Alice, Robert et moi nous faisons voiture commune jusqu'à Mulhouse. Pascal et Vanessa nous ont gentiment proposé l'hébergement. Chez eux, nous aurons le plaisir de faire connaissance avec Alex et Amandine, un jeune couple super sympa. Alexandre est arrivé second l'an dernier, de cette course hors-norme qu'est la Transcontinental Race. Il la prépare de nouveau cette année, avec le soutien actif et passionné d'Amandine.
Au petit matin nous nous rendons au siège du CCK pour le départ . Nos amis du 300 km sont partis à 7 heures. Je fais la connaissance de Aurore (qui va gérer l'accueil durant cette journée d'une main de maître) et son mari Jacky, qui prend le départ avec nous à 8 h .
Fait inhabituel,les féminines sont en bonne proportion sur ce brevet puisque nous sommes 7 inscrites sur une trentaine de personnes ... dont trois filles de la Team Mont Ventoux avec Patricia! Je fais connaissance également avec la vive et joyeuse Estelle, amie et partenaire de Vanessa sur le parcours.
Et pour l'instant, le soleil est là ... YAPLUKA !
1-Amandine et Alice 2-Robert 3-Estelle 4-Vanessa et Aurore 5-Brigitte 6-Brigitte et Alice 7-Poucet et Patricia
Nous voici en route , derrière Poucet qui nous guide sur les 15 premiers kilomètres plutôt plats. Il fait plutôt beau, ni chaud, ni froid, mais la veste d'hiver que j'ai emmené en prévision est bien vite de trop. Nous roulons tranquillement au départ, puis assez fort dans la partie vallonnée qui suit, avant que le groupe se disperse.
Nous faisons connaissance "en réel" avec un cycliste de la région qui force le respect : Christian Haettich. Amputé d'un avant-bras et d'une jambe, il roule de manière impressionnante. Nous allons nous retrouver ensemble plusieurs fois au cours de ce brevet.
Une belle descente nous mène dans la vallée de la Thur, que l'on remonte grâce à un itinéraire cyclable, la Voie Verte n° 33 . Avec notre groupe qui s'étoffe par moment, nous essayons de suivre au mieux cet itinéraire qui présente parfois de petites bosses ou des changements de direction un peu surprenants. La vallée est belle et verte, dominée par des sommets où subsiste la neige du début de semaine.
Alice perd sa lampe en route , mais elle la retrouve rapidement.
Parfois, il y a de belles lignes droites où le groupe accélère, et je décroche un peu. A un moment, je vois revenir sur moi Pierre Carlin, que je croyais devant. On échange quelques mots, et je perds mon groupe de vue. Tout à coup, Pierre derrière moi s'arrête, crie quelque chose, et semble faire demi-tour. On ne s'est pas compris. Croyant qu'il a un souci, j'accélère encore pour rattrapper le groupe et le prévenir.
Je m'enquille une belle ligne droite mais il n'y a plus personne ...
J'arrive à un croisement après 1,5 km , rien ne correspond à ma feuille de route ... je finis par appeler Alice ... qui m'a appelée ... mais mon téléphone n'a pas sonné ... j'ai tout simplement raté l'embranchement du Col d'Oderen (884 m) , tout en dépassant Alice que je n'ai pas vue arrêtée. C'est ce que Pierre voulait me dire ...
Je fais demi-tour, grimpe le col du mieux que je peux pour limiter l'attente d'Alice. Tout le groupe est encore là et nous nous retrouvons au col . Un peu de temps perdu cette fois, pour cette seconde erreur d'itinéraire ...
Pendant la descente, c'est au tour d'Alice de faire une bêtise :-) Elle laisse échapper de sa pochette plastique sa carte de route et vingt cinq euros !
Mais elle a un ange gardien nommé Jean-Paul qui lui ramène le tout :-) et c'est ainsi que l'on fait connaissance avec Jean-Paul d'Oyonnax qui va nous accompagner un grand bout de route.
Au moment du briefing, Poucet nous avait parlé du col de Lauvy (ou Lauwy) 892 m, en évoquant sa difficulté. Eh bien, c'est maintenant. Avec Alice en pleine forme, nous prenons la tête du groupe. Jean-Paul nous suit facilement.
Après un début déjà sérieux avec des pentes à 10%, se présente une redoutable section centrale où l'inclinaison est entre 14 et 18% sur 1 km . Impossible de passer cette section en mode cool, le cardio grimpe !
Alice finit par me distancer en partie haute de cette bosse, elle discute même avec Jean-Paul en roulant ! Le reste du groupe arrive ensuite en l'espace de quelques minutes. Le ciel se couvre un peu, sans plus.Il fait lourd ... le thermomètre de vélo affiche 23 ou 24°C ...
Une courte redescente et on attaque les 2 km du col des Hayes (886 m) , certes court mais sérieux aussi. La sortie raide présente un bon terrain pour les photos ...
Bon, ce coup-ci on descend, et à Vagney, on s'arrête manger un morceau, un peu trop longtemps ... car la perturbation traverse la France sans s'arrêter, elle !
Pour l'instant, c'est toujours sous un ciel un peu chargé, et une atmosphère lourde, que l'on repart pour franchir une seconde bosse respectable, jusqu'au village du Haut du Tôt (840 m) , la "plus haute paroisse du département des Vosges".
Alice et moi avons du mal à repartir toutes les deux. Mais une fois encore, nous grimpons plutôt bien , elle prétend que je lui mène la vie dure :-) mais pour y parvenir je ne me ménage pas. C'est là aussi une bosse difficile, alternant des rampes à 12% sur quelques centaines de mètres et des sections moins raides permettant de retrouver un rythme.
Entre l'attente pour le regroupement ... la recharge en eau ...douze minutes vont s'écouler (strava vous dit tout ...) et l'on sent les premières gouttes ... d'abord éparses ...
Nous prenons la décision, un peu tardivement, d'avancer sans pauses en haut des prochaines montées ...
C'est désormais un groupe de six (Jean-Paul, Cédric, Thierry, Pierre Carlin, Alice et moi) qui continue vers Liezey, puis Gérardmer. Avant d'atteindre cette ville, il faut franchir encore une bosse relativement longue, une magnifique section dans les bois ... on grimpe moins fort, plus groupé ... et il pleut de plus en plus, avec une température autour de 10°C . Quel dommage pour la vue sur le lac ...
A partir de Gérardmer, autour de 16 h, l'ambiance devient sombre. Les voitures allument leurs phares, et la pluie redouble. Nous entamons les 12 kilomètres de montée vers le col de la Schlucht ... l'effort nous garantit un semblant de chaleur, mais la température est en chute libre. 7°C à Gérardmer, 0°C au col (1138 m)
A partir de maintenant, plus de photos ....
Avec Alice et Jean-Paul, nous essayons de réduire le rythme pour ne pas avoir à attendre les autres en haut dans le froid. Mais on n'y parvient pas vraiment. On discute pour s'occuper, et dès qu'on discute, on accélère :-) Curieusement, on ne ressent pas de fatigue. Je grimpe sans gants, avec le seul coupe-vent, mais à ce rythme je commence à me refroidir en montée.... il faut que j'enfile ma veste d'hiver ...la pluie est à la limite de se changer en neige ...
On s'arrête au Collet sous la terrasse de l'hôtel, je m'habille .
TROP TARD .
J'ai déjà froid et l'eau est passée à travers le vêtement de pluie, toutes mes fringues sont mouillées . Je mets tout ce que j'ai , veste d'hiver, kway, buffs, gants ...
Vite, vite, descendre.
Arrive Christian en manches courtes qui hésite à mettre le coupe-vent !!!
"je suis chez moi ici" dit-il ... hum, y a pas le chauffage, chez toi ! Elle est longue la descente ? "18 km" nous dit-il .... Nous, on grelotte ...vite, vite, descendre.
Le premier km en faux plat montant jusqu'au col me fait l'effet d'un soulagement ... de courte durée.
18 km ...bienvenue en enfer !
Je donnerais cher pour une montée, peu importe que j'aie déjà grimpé 3000 m D+ .
Mais il n'y en a pas.
Je vois Alice secouer ses mains. Et descendre anormalement lentement ...elle si habile descendeuse... Mon vélo tressaute comme en cas de crevaison lente, inquiète je vérifie le pneu ... non .... c'est juste mes propres tremblements qui se communiquent au vélo. J'ai même du mal à synchroniser mes yeux , je préfère fermer un oeil ! Les mâchoires, les épaules contractées font mal, je fais des grimaces !
Je me concentre sur une idée : si tu descends, tu regagnes des degrés. Je claque toujours autant des dents, en revanche j'arrive presque à me réchauffer les mains, ce qui me permet de freiner normalement. Pfff... un vrai gâchis pour une si belle descente !
On ne s'en sort pas trop mal, question direction. On est maintenant quatre : Alice, Pierre et moi, plus Rémy, un gars du CCK . Malheureusement, la voie verte en question traverse plusieurs fois des rails de chemin de fer .... Alice prend sa roue dans un rail et chute brutalement, tapant fortement la tête sur le sol ... vive le casque ... Pierre ne parvient pas à l'éviter et chute à son tour, heureusement sans gravité .
Par bonheur, tout le monde repart courageusement ...
20 heures, Rouffach ... ambiance glauque, lacs partout, bientôt on va devoir nager ;-) Il faut sortir la carte (qui ne survivra pas à l'épisode)... de l'autre côté de la voie rapide , on retrouve la trace GPS. On va y arriver !
A la limite extrême de la nuit, avec juste nos lumières arrière, on franchit la porte du local du CCK sous les applaudissements ... quel accueil !
Une vraie petite aventure ... grâce à une super organisation.
Les premiers du 300 km (Christophe, puis Patrick et Michel) sont déjà là ... plus tard dans la nuit arriveront Yann, puis nos amis Valex, Laurent et Jacques . Robert (sur le 200) est arrivé vers 18h30 en gérant son avance en totale autonomie.
Une dizaine de personnes ont abandonné , victimes des conditions météorologiques difficiles.
Une douche, et c'est le debriefing devant le plateau repas. Aurore, Estelle et Vanessa sont au petits soins pour nous ! C'est le lendemain que nous retrouverons nos copains du 300 km autour d'un café .
En conclusion ...
Pour Alice et moi, le sentiment d'avoir été en bonne forme tout le long du trajet, et de ne pas avoir "subi" les bosses difficiles, et d'avoir quand même terminé dans le délai imparti permet de terminer sur une très bonne impression ; le parcours était très beau , et que dire de toutes les rencontres ! Bien sûr cela donne envie de revenir pour profiter de toute cette section sabotée par la pluie glaciale.
A noter que c'était un baptême de BRM pour Alice ! Pour un baptême ...l'eau bénite ou pas était là en abondance !
D'autre part, on s'est laissé impressionner par nos claquements de dents collectifs à Munster (dans le salon de thé ce "concert" impressionnait tous les clients )... où il aurait fallu enchainer sur le Col de Firstplan sans s'arrêter. On aurait pu alors rentrer avec Christian vers 20h20 au lieu de 21 h, et en ayant bouclé tout le dénivelé du parcours. Ceci dit, on a bien géré notre retour "bis" improvisé (un peu plus de distance, un peu moins de D+) . Nos pauses ont bouffé tout le délai imparti, mais bon les délais "larges" servent aussi à gérer les soucis "météo" .
J'espère qu'on aura l'occasion et la chance de revenir un jour faire un brevet de ce style dans le coin !
Merci encore à nos organisateurs et aussi aux photographes Bridou, Amandine, Jacky, Stéphane pour leurs images que je me suis permis d'utiliser ici !