Motivations
Mardi 10 avril 2018
En ces journées où mes sorties de vélo sont plutôt en mode "vite on profite du créneau entre deux averses" , et où la lumière est rarement propice aux photos qui pourraient illustrer une sortie, me reviennent en tête ces remarques , sur les réseaux sociaux et en direct, au sujet de la motivation dans le domaine du sport .
Du style "je ne suis pas motivé en ce moment", "il faut que je me motive pour me remettre au vélo (au sport) ", "comment fais-tu pour être toujours motivée ? " ... déjà étant étudiante, je m'interrogeais sur ces abandons au bout de trois quatre séances, dans un sport ou l'autre , que je voyais autour de moi ... à présent c'est parmi les hommes ou femmes de mon âge que j'entends revenir ce mot : motivation.
Ces dernières années la technologie s'est même emparée de la question avec nombre d'outils de mesure et de comparaison de l'effort sportif.
D'où l'idée de rassembler les "moteurs de motivation" que je vois autour de moi, sachant que nous n'avons pas tous les mêmes ! Et que pour une même personne ces éléments peuvent changer avec le temps (c'est pourquoi j'ai écrit MotivationS )...
Sensations, progression, compétition, exploration, collection, recherche de reconnaissance, sentiment d'appartenance, défis ... voici celles que je vais détailler et j'en oublie ;-), à vous de me le dire ...
Sensations
Selon les sports, c'est un aspect qui est plus ou moins présent, et surtout plus ou moins "immédiat" ; c'est un plaisir du moment présent , qui est lié à la maîtrise du geste, une sorte d'accord entre le sportif et le terrain.
C'est bien sûr un élément de motivation puissant, demandez aux skieurs adapte de free-ride ou de randonnée d'évoquer une descente dans une neige parfaite, une "poudreuse où l'on tourne avec les oreilles", une "moquette de cinéma" .
C'est le premier exemple qui me vient à l'esprit parce que c'est un sport où cet aspect est dominant.
Mais on entend souvent aussi en vélo " J'avais de bonnes sensations dans ce col" ...
Toutefois ce plaisir qui provient de l'effort lui-même n'est pas accessible immédiatement ; et du coup on ne peut pas motiver un débutant qui part de bas, qui rame, qui est dans le dur dès qu'il y a une bosse , en lui promettant le nirvana dans les sensations physiques liées à l'effort. Il faut souvent trouver autre chose ...
Heureusement, les sensations liées au sport de plein air sont liées non seulement à l'effort mais aussi à l'environnement immédiat (la température par exemple, le vent, la qualité de la neige, le sol sur lequel on court , la lumière ) Par exemple, rouler de nuit en vélo donne des sensations particulières, l'arrivée du printemps et de la douceur réveille les sensations etc . Sans oublier, c'est essentiel, le matériel utilisé ...
Car il y a une source de motivation spécifique, étroitement associée au plaisir du geste : l'efficacité.
C'est un juste équilibre entre le gagné d'avance et le perdu d'avance ... Si on nous demande de soulever un petit caillou de 200 g, nous ne ferons un qu'effort minimal ... si on nous demande de pousser un rocher de 2 tonnes, nous en ferons très peu aussi ... car il n'y a pas de retour sur notre effort, donc nous baissons les bras.
A moindre échelle, je vois l'effet de ce phénomène quand je roule contre un vent à 60 km/h ... aucun retour de mes efforts, la vitesse reste basse, mais le cardio aussi, je n'arrive pas à m'entraîner ni à faire quoique ce soit, car mon cerveau enregistre le fait que mes efforts sont vains ... en revanche si ce "retour sur investissement" existe, je vais augmenter mon effort , encouragée par les résultats immédiats !
L'efficacité étant également liée au matériel, on comprend qu'un bon équipement bien réglé et adapté soit une source de motivation . Pour certaines personnes débutant en vélo, j'ai vu tripler la distance "faisable" en gonflant simplement les pneus !... mais parfois ce sera un changement de vélo, de chaussures , de roues, de pédales, de tenue, qui donnera cette petite sensation d'efficacité supplémentaire qui incite à faire plus d'efforts .
Même en se limitant à l'aspect "efficacité", on voit que le choix de la difficulté (distance, pente, vitesse) est important. Parmi les personnes en mal de motivation, on trouve celles qui restent dans un confort excessif (répéter un petit parcours facile toujours à la même vitesse, par conditions parfaites) , mais aussi celles qui sont dégoutées par des sensations d'"efficacité plombée" par des pentes hors de leur portées ou encore parce qu'ils/elles sont toujours dans le dur, toujours derrière.
Pendant longtemps, les sensations sur un vélo et l'efficacité n'ont pas été des sources de motivation pour moi. Cela se traduisait par un manque d'intérêt pour les petits parcours, ceux que je connaissais déjà, etc ... car il fallait, à l'époque, autre chose pour me motiver !
Mesures et Progression
L'une des plus fortes sources de motivation à la pratique d'un sport se trouve dans le fait de progresser objectivement ou encore d'améliorer un certain nombre de paramètres liés à notre santé ou à notre apparence physique (perdre du poids, se muscler) . Le fait de savoir ou de sentir que le sport nous est bénéfique ne suffit pas toujours.
Le développement des outils de mesure (compteur, montre) et des sites internet dédiés à stocker et comparer toutes nos données d'activité répondent particulièrement à cet aspect des choses.
L'observation d'une progression basée sur des chiffres est particulièrement utile les premiers mois d'une pratique régulière ... il y a très longtemps, je regardais simplement ma montre au début et à la fin de certains tronçons de route en vélo ... c'était l'ancêtre du segment strava :-D
Quand la pratique est ancienne, la progression devient secondaire, à moins de faire une coupure et de régresser pour pouvoir ensuite progresser de nouveau . Mais l'objectif peut être aussi de maintenir son niveau !
Les programmes d'entrainement sont basés sur ce moteur de motivation. Les "saisons" des clubs sont aussi construites sur une augmentation de la longueur et la difficulté des parcours, etc ... un cadre qui peut être un bon élément de motivation pour certains.
Venant du monde des sports de montagne, alpinisme, ski de randonnée, un univers où la motivation n'est pas vraiment dans la progression mais le fait de gravir un sommet, parcourir une voie, une descente à skis, j'ai abordé le vélo sans aucune notion d'entrainement, ni de recherche de progression du moins en terme de performance. Il m'en reste toujours quelque chose, mais l'utilisation des outils de mesure et de strava a introduit une motivation nouvelle dans ma pratique, en permettant la comparaison entre mes propres performances.
On peut se comparer avec les autres également, et là on rentre dans l'aspect émulation-compétition .
Compétition
Je ne rentrerai pas dans le détail, ce moteur de motivation puissant (mais pas absolument nécessaire) est suffisamment évoqué ailleurs, et je suis mal placée pour en parler, même si je mets de temps en temps un dossard . Les quelques fois où je suis montée sur le podium, il me suffisait d'être là et de terminer le parcours pour le faire, par le jeu des catégories et du petit nombre de présentes.
Toutefois le simple fait de prendre le départ d'une épreuve avec classement fait augmenter ma performance de manière significative ... phénomène que j'ai observé sur les grimpées chronométrées sur des parcours que je connaissais bien !
Donc à conseiller à ceux qui se "promènent" et ont du mal à "sortir de leur zone de confort" !
Exploration
Explorer mon territoire : gravir un nouveau sommet, descendre le couloir de gauche plutôt que celui de droite, prendre une route jamais empruntée, atteindre un nouveau col, traverser une région inconnue ou même un pays étranger .
Ce fut mon premier, tout premier "moteur", lorsqu'à 15-16 ans j'ai commencé à me balader dans la campagne avec mon Peugeot 3 vitesses qui pesait un âne mort . Avec l'exploration, j'avais une sensation de liberté énorme (qui correspondait à mon besoin de l'époque) , d'autonomie, presque de pouvoir, que j'ai retrouvé en traversant la France en solo pour partir à vélo sur mon lieu de vacances.
Quand le vélo a retrouvé une place importante dans ma vie sportive et ma vie tout court, ma motivation principale a été, de nouveau, l'exploration. Je ne connaissais de la région que les routes menant aux départs de ski de rando, de sentiers ou de falaises d'escalade. Avec un nouveau sport, je découvrais un tout autre aspect . Et ce qui me motivait à sortir au début, c'était la découverte de nouveaux villages et paysages, faire des photos et faire le récit de la sortie dans le blog !
A présent même si j'ai appris à rouler sans faire de photos sur des parcours que je connais par coeur ... je garde toujours un goût pour l'exploration avec les voyages à vélo, les brevets longue distance, les longs parcours ... et il m'est très difficile de me motiver pour pédaler en salle ou sur un HT ...
Collection
Parmi les "moteurs" de motivation proches du domaine "exploration" , on retrouve quelque chose qui est de l'ordre de la collection .
En ski de randonnée, nous étions nombreux à essayer de "cocher" le plus possible d'itinéraires de tel ou tel topo-guide. Nous en tenions la liste soigneusement. Les alpinistes n'étaient pas en reste non plus, car certains collectionnaient les sommets de plus de 4000 m , ou 3000 m .
On retrouve cette notion de collection dans le cyclisme, avec les "chasseurs de cols", inscrits ou non au club des Cent cols . D'autres collectionnent les KOM (King of Mountain ou Queen Of Mountain) sur strava, c'est plus ou moins de la compétition ... mais un peu une collection aussi !
D'autres collectionnent les routes ; selon les présentations le jeu est même de passer dans le plus de cases possibles d'un secteur géographique découpé en carrés, comme le montre l'image animée ci-dessus (Merci à Laurent Benet pour sa contribution)
Sur strava, on peut aussi créer un segment si on passe sur une section de route intéressante qui n'en comporte pas.
J'ai aussi des amis qui aiment donner un thème à leur sortie, par exemple en reliant certaines communes ayant un point commun ou le même nom, ou en passant par plusieurs lacs, en remontant à la source d'une rivière.
Ces jeux donnent aux sorties une tonalité "chasse au trésor" , ce qui est stimulant et procure un plaisir qui peut accompagner celui lié à l'effort ou se substituer à lui si les jambes ne sont pas là .
La "collection" n'est presque jamais une motivation exclusive, juste un petit "plus" qui s'ajoute à la pratique.
Le saint du dimanche : Saint-Sauveur, ... et 16000 km - Carnet de bord de Gérard
Dimanche 19 novembre 2017 Sortie à vélo de route : 60 km, 508m D+ Le parcours : http://www.openrunner.com/index.php?id=8125135 Le soleil était bien présent en début d'après-midi et m'a accomp...
http://www.gerardbetton.fr/2017/11/le-saint-du-dimanche-saint-sauveur.et-16000-km.html
Gérard "collectionne" les anciennes plaques que l'on trouve dans les petits villages
Reconnaissance
Voilà un besoin qui fait couler beaucoup d'encre, et dans tous les domaines .
Le fait que nos efforts soient reconnus d'une manière ou d'une autre (même si, quand il s'agit du sport, ils ne sont pas récompensés sur le plan matériel) agit comme moteur de motivation, à divers degrés selon les personnes.
On peut apprécier d'être "reconnu" de manière officielle : c'est ce qui fait le lien avec la compétition . Ou de manière plus ou moins publique, via les blogs, les réseaux sociaux, les forums .
On peut aussi ne pas vouloir de "reconnaissance" publique, mais aimer que notre pratique ait de la valeur aux yeux de nos proches, famille, amis. Ce n'est pas toujours simple d'ailleurs, car les non-sportifs "non-avertis" ont parfois une vision décalée des choses, voyant un exploit là où pour nous ce n'est qu'une simple routine ... ou le contraire ... ou encore c'est la notion de risque qui ressort !!!
Les encouragements que l'on reçoit dans le domaine du sport sont un facteur de motivation assez grisant, surtout dans les débuts ... du moins cela l'a été pour moi et ça l'est encore, mais plutôt les encouragements de personnes proches. (en fait ça ne me fait pas tellement d'effet de totaliser 80 "kudos" sur strava ... mais je regarde qui est venu voir ma sortie ...)
Je me souviens aussi avoir éprouvé un bonheur particulier après avoir skié la face N du Mt Turia ... tout simplement parce que les descentes à skis ont des cotations, et que celle là était ma première dans la catégorie "5" (5.1 pour être exacte) ...la publication de cette sortie sur internet a donné lieu à un tas d'échanges, et j'étais tellement grisée par cette "intronisation" dans le milieu du ski dit "de pente raide" que j'ai passé un après midi de travail à échanger sur internet ;-) ... (il y a presque prescription, c'était en 2001)
La reconnaissance de ce que l'on fait en terme de sport, finalement ce n'est pas si loin du sentiment d'appartenance à un groupe ... à un milieu ... à un univers ...
Appartenance
Je me souviens du sentiment bizarre éprouvé à ma toute première Ardéchoise en 2004 (qui ne m'a d'ailleurs pas dégoûtée, loin de là ) . A l'époque il m'arrivait d'utiliser le vélo pour me déplacer en ville, ou le VTT pour une balade avec ma fille, mais les vraies sorties en vélo c'était une fois par an ! Je me souviens d'un col du Coq depuis Grenoble ... d'une montée à Autrans avec retour par le tunnel du mortier , et de deux sorties de 80 km en Ardèche mais il n'y avait pas eu grand chose d'autres.
Alors du coup, sur ce parcours des Boutières, je me sentais vraiment étrangère ... avec un vieux vélo, pas de pédales auto bien sûr, un cuissard premier prix et un tee-shirt de randonnée pédestre ... je crois bien que j'avais un casque d'enfant.
Je n'avais pas la tenue, et surtout je n'appartenais pas à ce monde à deux roues, je ne connaissais personne. (Et on roulait effroyablement lentement, il faut le dire ... mais jamais dans le dur ... juste en endurance douce la seule chose que je savais faire )
L'Ardéchoise a pourtant été le départ d'un lien avec d'autres cyclistes.
Ce lien a été le moteur de ma pratique "longue distance" . La communauté des cyclo-bloggers, comme on disait alors, m'a fait "décoller" . Avec la Team Mont Ventoux, je me suis sentie bien entourée . Les "dynamiques" sont contagieuses , et les rencontres ont donné lieu à des amitiés sur la durée.
L'appartenance ouvre la porte du partage, aspect pour moi très important dans le sport, même si j'aime aussi pratiquer en solo, en toute liberté et autonomie. J'aime me créer des souvenirs communs avec mes amis autour de sorties à l'extérieur, et ne pas me limiter à des repas partagés comme trop souvent.
Partager une sortie avec un/une amie est LE moteur de motivation qui fonctionne quand je n'ai pas le moral !
Défis
Les défis occupent une place de choix dans les stimulants de la pratique sportive. Il peuvent prendre des formes extrêmement variées, à l'échelle de chacun, et certains ne les aiment pas car ils impliquent de repousser ses propres limites.
Les défis réussis sont toutefois source d'intense satisfaction, même si le "pendant" comporte des moments difficiles, l'"après" est jubilatoire ...
J'y ai goûté lorsque j'ai fait mon premier 300 km ... lorsque j'ai terminé Paris-Brest-Paris, ou encore lorsque j'ai gravi cinq fois d'affilée le Col du Mont Noir ... et d'autres fois encore .
Quelle est la part de recherche de reconnaissance dans un défi ? On aime "fêter" sa réussite ensuite (pas forcément par une fête au sens classique du terme) , et on garde rarement complètement secret ce genre de succès, même si on ne le crie pas à la terre entière. Le succès est plus fort si on le partage .... mais on aime aussi se prouver à soi-même que l'on est capable de certaines choses ...
Et puis ...
Je n'ai évoqué ici que les "moteurs de motivation" que l'on peut actionner plus ou moins à volonté .
Par exemple, si on est en mal de motivation, on peut essayer de gagner en efficacité en améliorant son matériel, en mesurant sa performance sur un circuit ou un segment, en s'inscrivant à un évènement, en faisant appel à un ami , en ayant un projet , en allant découvrir un endroit nouveau.
Toutefois ce qui nous plombe ou nous stimule est parfois indépendant de nos décisions, et on peut tomber dans un cercle vicieux tout comme vertueux ! Bref, notre goût pour le sport est étroitement imbriqué avec tout le reste ...
Par exemple ...
....les soucis peuvent nous tenir éloignés du sport, affectant notre état physique et du coup notre envie alors que l'activité pourrait nous changer les idées. Inversement, un catalyseur comme tomber amoureux peut booster notre énergie et nos performances.
....Rien de tel que l'activité pour nous sortir d'une phase de maladie, pour changer notre regard sur nous-même, même s'il faut remettre la machine de la motivation en route.
....Les souvenirs de performances passées sont parfois un poison qui empêche d'apprécier les moments présents ... car il faut faire évoluer aussi les sources de motivation.
Je n'ai pas non plus évoqué les dérives du "trop" , comme les excès de comparaison, de mesures, de compétition, de désir d'être reconnu et les inévitables jalousies qui en découlent car ce n'était pas l'objet de l'article ;-)
YAPLUKA rouler !!!