BRM 600 km, PBP 4/4 Le soleil et les étoiles
Samedi 1 er juin 2019, vélo de route, du Nord Isère aux alpes de Haute-Provence , 602 km, 6700 m D+ en 35 h 36 (temps roulé environ entre 30 et 31 h)
Il y a quinze jours, au cœur du déluge dans la nuit froide près du Puy en Velay, alors que je renonçais à l'idée de terminer ce parcours de 600 km, je "signais" intérieurement pour un autre brevet, plus conforme à mes rêves. Rêves de voir le soleil se lever deux fois et se coucher, rêve de cheminer en paix sous la voute céleste et également, sans être ennuyée par le vent ...
Je parie sur le brevet 600 km de Gillonnay, un village du Nord Isère proche de la Côte st André , plus proche de mon domicile que Grenoble mais un poil plus long à rejoindre car loin de l'autoroute. Alice, qui habite à 20 mn du point de départ, m'accueille pour la soirée et la nuit ... nous partons toutes les deux en voiture au départ . Elle fera les 50 premiers kilomètres en ma compagnie pour ensuite rentrer chez elle en vélo !
Comme d'habitude le stress et l'excitation ont largement perturbé mon sommeil, mais il n'y a pas grand chose à faire ...pourtant je n'ai cette fois aucune inquiétude du côté du ciel. L'avantage est que se lever à 3h30 est facile quand on ne dort pas
Un accueil fort sympathique sur place et un petit café achève de me mettre en condition.
5 h ... c'est parti pour les 35 participants dans la fraîcheur matinal, avec le jour qui ne tarde pas à montrer le bout de son nez. La petite loupiote de secours suffira, je garde le phare pour la nuit suivante.
Je pars en duo avec Alice, à un rythme "brevet" mais honnête ( je roulerai à un bon 23 de moyenne jusqu'au premier contrôle au km 110) Quelques bosses sans grandes difficultés échauffent la machine ... en revanche, mon vélo commence à produire de petits craquements bien pénibles.
Je me demande si cela vient de la vieille selle remise en place pour le confort, même si lors d'un essai de 40 km je n'ai rien remarqué ... finalement ça ressemble plutôt à quelque chose provenant de la transmission ou du pédalier. Enfin là ... me voilà partie pour 600 km de vélo qui craquouille ... je sens que les autres BRMistes ne vont pas me supporter
A Peyrins, nous rencontrons Olive venu me faire coucou sur mon brevet, et tenir compagnie à Alice pour une partie de son retour. Nous roulons en trio jusqu'à Mours et nous nous séparons sans cesser de rouler pour que je puisse "prendre le train" d'un groupe qui se trouve juste derrière.
Jusque là c'était "sortie entre amis dans les Chambaran" ... maintenant le brevet commence pour de bon.
Je reste un moment avec les trois personnes de Mours st Eusèbe, avec des séparations de temps en temps car il y a quelques pauses techniques et déshabillages dans le groupe. je me ralentis même un peu, car un petit vent me pousse et je me suis promis de trouver des compagnons de route cette fois-ci !
Je découvre que l'un d'entre eux s'appelle Slimane ... en fait on se connait ! J'ai terminé mon premier 400 avec lui au sein d'un groupe de quatre ou cinq ... c'était en 2012
Je ne sais plus à quel moment j'ai perdu ce groupe, sans doute en suivant d'autres personnes. Je fais alors route de manière plus ou moins continue avec deux groupes de trois, "celui de René" et "celui de Serge" que je vais retrouver un peu tout au long du brevet. Tous roulent un peu plus vite que moi, et je les retrouve au moment des pauses.
L'itinéraire est bien roulant jusqu'au pied du Ventoux, et je suis en terrain familier. Les bosses faciles alternent avec des parties relativement plates ; col du Devès, col d'Aleyrac, bosse du village de Buisson ... j'arrive du côté de Vaison la Romaine à la mi-journée, le soleil est haut dans le ciel et tape fort, la crème solaire est plus qu'utile.
Depuis Valréas je ne vois plus personne, les deux groupes de trois sont devant. Je dois bientôt franchir le petit col de la Madeleine, que j'aime bien, mais qu'aujourd'hui je n'ai pas du tout apprécié : en effet nous sommes en sens inverse de la cyclo Ventoux- Baume de Venise, avec en face de nous tous les participants certes, mais aussi les motos qui encadrent la course (une d'entre elle roulait totalement à gauche et m'a fait très peur), et également les touristes en voiture, camping car au milieu de tout ça ... ce n'est pas mon meilleur souvenir.
A Bedoin , je vois René qui attend ses compagnons de route . Il me dit qu'il attend depuis six minutes ... ces petits jeunes, ça n'avance pas. Je ne vois pas bien où je les ai doublé d'ailleurs !!!
Je vais "pointer" (à 14 h 09) à Ville sur Auzon, où ont eu lieu le matin même des épreuves de course à pied ... j'ai appris ensuite que Lionel Vignon y avait participé et qu'il était encore présent à Ville s/Auzon ! Je prends un café rapidement, avant d'attaquer les gorges de la Nesque. C'est ma première véritable pause, même si j'ai déjà mangé un croque-monsieur et deux parts de clafoutis .
J'entame avec ce passage splendide le second tiers de ce brevet. Je n'avais jamais parcouru cette route dans ce sens ; c'est bien roulant jusqu'aux abords de Sault, seule l'entrée dans la ville est assez raide. Je roule tranquillement mais je ne souffre pas de la chaleur (et pourtant, je la supporte mal habituellement !). J'ai tellement rêvé de belles conditions meteo que les 34°C enregistrés par le GPS ne me font pas d'effet. D'ailleurs je n'ai même pas regardé la température !
Par contre le GPS m'indique "batterie faible", je branche donc la batterie externe. Mais contrairement au BRM précédent, l'alimentation ne cesse pas de se couper et repartir ... je pense qu'il y a un souci avec le cable. Comme je ne me sert pas du guidage (j'ai appris l'itinéraire) , ce n'est pas très grave si je me retrouve sans compteur.
Là où je commence à m'inquiéter, sous Sault, c'est quand le message "batterie du telephone faible" s'inscrit sur l'écran du GPS ... je décide d'essayer de le recharger avec la batterie ... et ça ne marche pas .... là l'idée de me retrouver la nuit sans telephone, de ne pas pouvoir donner de nouvelles aux personnes qui me "suivent" , ne me plait pas du tout. Voilà un vrai problème ....
En haut des gorges, je suis doublée successivement par "2014" (un participant qui porte un maillot avec ce nombre écrit en gros) et par l'équipe de René , que je retrouve dans le village de Sault. Au lieu de faire une bonne pause pour manger un morceau, je fais en vain tous les commerces en espérant trouver un câble pour ce fichu téléphone que je finis par éteindre pour garder un peu de jus en cas de souci ....
Je finis par me dire que j'essaierai de recharger un peu le téléphone pendant mon repas du soir, que je suis bien décidée à ne pas zapper cette fois.
Au dessus de Sault, je découvre des plateaux ondulés à 800-900 m d'altitude, que je ne connaissais pas du tout. L'air est limpide, un peu plus frais qu'en bas tout de même, et c'est très agréable. Après une série d'ondulations douces, on aborde une série de bonnes descentes et de remontées plus sérieuses.
Mes compagnons de route prennent de nouveau de l'avance .... à Manosque, je réussi à trouver un câble (hors de prix) dans une station service ... hélas ça ne marche pas mieux .... alors c'est la batterie externe le problème ????
A Manosque, je retrouve l'équipe de René attablée au kebab, et je fais de même. Je commande une assiette complète avec du poulet, du boulgour, des frites et de la salade. Je peux même recharger un peu mon téléphone ... un soulagement même si je ne regagne que quelques % .
Mes trois compagnons comptent aller dormir à Séderon , à 130 km de là ... ils repartent donc avant la tombée de la nuit.
Ce coup ci je suis en solo pour la traversée Manosque-Sisteron via Forcalquier et St Etienne les Orgues. En solo et sans compteur, car c'est fini, il a abandonné. Je mets en route la montre, dernier ustensile électronique encore vivant.
Requinquée par le dîner, je repars à un rythme pépère mais sans les sensations très désagréables de faiblesse et d'hypoglycémie "latente" que j'avais éprouvé sur le 600 il y a quinze jours. Cette nuit étoilée et pour l'instant relativement tiède (19°C à 21 h) me plaît.
J'ai juste un regret, j'avais une micro-thermos et j'ai oublié de faire le plein d'eau bouillante au resto, maintenant il n'y a plus de bar ouvert dans les petits villages .
Je ne connais pas le secteur, mais je vois avec plaisir que j'ai bien "chargé la carte et les noms" dans mon cerveau avant de partir, je n'ai pas d'hésitation.
Je vois un renard, un lièvre affolé, j'entends des dizaines de milliers de grenouilles qui coassent , quel boucan !!!!
Après St Etienne les Orgues, je sais que l'itinéraire devient descendant, de plus à près de minuit, la température chute. Je fais donc une pause pour m'équiper sérieusement (jambières, sous casque, veste demi-saison) dans le petit village de Cruis certainement fort sympathique mais désert .... et là je vois arriver un BRMiste, c'est Alain Berrux que j'ai connu sur un brevet en 2014. Lui aussi compte faire le parcours sans dormir.
Nous continuons donc ensemble pour pointer à Sisteron en répondant à la question secrète peu avant une heure du matin , affronter quelques hésitations d'itinéraire aux centre de Ribiers où la déviation nous a perturbés (et le GPS d'Alain aussi) , puis remonter lentement mais surement les gorges de la Méouge, une très longue montée en pente douce , qui se prolonge à droite pour gagner le col de Mévouillon toujours sans difficulté .
La nuit est splendide, presque sans vent, et superbement étoilée.
Vers 3 h du matin, je ressens une petite attaque de sommeil . La tête est bien là , mais ma trajectoire n'est pas très droite et j'ai froid en montant , ce qui n'est pas très normal même s'il fait maintenant 6°C. Je rajoute le coupe vent, les gants, et me concentre sur la conversation pour laisser passer l'attaque, d'ailleurs très brève.
Une à une, les étoiles disparaissent, le ciel devient plus clair ... déjà le jour qui s'annonce. Rouler de nuit laisser toujours une impression d'irréalité ... peut-être ai-je rêvé ? Le lever du jour nous sort de ce "songe d'une nuit d'été" . Deux longues descentes, séparées par le col de Peyruergue (une remontée de 4 km) nous attendent .
Dans ce secteur, nous retrouvons l'équipe de Serge !
Ils étaient bien devant nous, mais ont du composer avec une grosse erreur d'itinéraire (ils ont traversé Sederon et gravi le col de Macuègne ) et une défaillance due à la déshydratation. Nous partageons avec eux l'obsession numéro un du BRMiste au lever du jour : trouver un café et/ou une boulangerie ouverte.
Bizarrement maintenant je n'ai pas froid malgré la descente, contrairement aux autres ... par contre je commence à avoir une sacré fringale ... je sors mon dernier morceau de croque-monsieur ... on avance et rien n'est ouvert dans ce secteur ....
Tout à coup je repense au sympathique camping dit "du Pilat" où j'ai bu un coup il y a très, très longtemps, lors d'une de mes premières balades à vélo ... je dis à mes compagnons que s'il y a une chance de prendre un café avant le col de la Sausse, c'est là !
Entre temps il est maintenant 7h30 ... et bingo, c'est ouvert ... on aura même droit à du pain, du beurre, de la confiture en plus de nos cafés, et l'accueil est super aussi ... ça fait un bien pas possible .
Pour ma part, je repars en forme, et le mental au top. Cela durera jusqu'à la fin. Le groupe de Serge semble avoir aussi repris du poil de la bête, ils repartent devant à bon rythme.
Après Crest, la chaleur se fait pesante. Alain accuse le coup tandis que, curieusement, j'avance avec un certain enthousiasme, certes pas bien vite, mais avec encore un peu de jus pour, par exemple, franchir les petites bosses en danseuse. Pourtant mon vélo fait toujours du bruit et maintenant, la chaine saute sur certaines vitesses .
Me connaissant, je devrais être écrasée par la température ambiante ... mais je suis tellement contente de voir l'arrivée qui approche que je fais un "déni de chaleur" . J'ai décidé que c'était juste une belle journée estivale, point barre. Ça me va très bien . Techniquement, je m'arrose copieusement et bois tout autant, mais je ne pense pas à la chaleur.
Sous le col de Toutes Aures, je retrouve Georges venu m'attendre, qui profite du fait que j'ai un vélo chargé, 580 km dans les pattes et presque deux nuits blanches à mon actif pour prendre sa revanche sur nos sorties hivernales en me mettant une mine sur le dernier kilomètre .
Nous attendons Alain , puis nous rallions tous les trois Gillonnay où je valide dans l'allégresse le fameux 4 eme brevet qui donne accès au Paris Brest Paris .
Au delà de cette "validation" , je suis contente d'avoir fait ce beau parcours avec des sensations plutôt agréables jusqu'à la fin, ce qui n'était pas le cas sur l'essai précédent, même en faisant abstraction de la meteo. Les petits problèmes techniques (électronique, vélo) qui se sont présentés ont un rôle à jouer dans la préparation, car il n'existe pas de longue distance sans petits problèmes, et il faut bien apprendre à continuer avec .
Pour en terminer avec mon histoire d'électronique ... une fois à la maison, la batterie externe n'était pas déchargée, et le câble fonctionnait. Je ne saurai jamais pourquoi l'électronique m'a abandonnée dans la pampa .. du coup deux batteries deux câbles obligatoires sur PBP
Sinon la vieille selle a tenu ses promesses, pas de douleur à signaler, si ce n'est un très léger inconfort du à la transpiration en fin de parcours, résolu avec un peu de Bepanthene.
Le truc de faire deux repas assis, avec un arrêt de 20-30 mn minimum le soir et le matin est très important pour moi surtout si je passe la nuit sur le vélo. J'ai vraiment l'impression que l'alimentation sortie du sac et absorbée en roulant ou sur pauses courtes, qui fonctionne très bien sur 300 km, ne parvient plus à recharger mes "niveaux" internes au-delà. On me dit que c'est psychologique, mais chacun a son propre mode de fonctionnement et j'ai testé le mode avec/sans dîner "assis" assez souvent pour bien sentir la différence physiologique.
L'équipe de Serge repartie après le petit déjeuner sur un bon rythme, a terminé une heure avant nous. L'équipe de René a dormi à Sederon entre 3 et 6 heures du matin. Ils sont arrivés une heure ou deux après nous.