La face cachée du confort
Sortir de sa zone de confort ... c'est l'un des messages qu'en tant que sportif (ou pas d'ailleurs, car l'injonction a gagné le monde du travail) , on entend souvent, message quelque peu brouillé par le "il faut écouter son corps" qui semble parfois dire le contraire.
Deux messages pas si contradictoires, si l'on réfléchit bien ... "il faut écouter son corps" nous ramène aux besoins fondamentaux , c'est à dire à nos besoins physiologiques et à notre sécurité. Encore faut-il distinguer ce qui est essentiel, apprendre à trouver des solutions pour avancer, sinon on ne va pas très loin.
"Sortir de sa zone de confort " nous invite, pour un temps, à ne pas confondre besoins fondamentaux et besoins acquis, à oublier temporairement nos habitudes d'être humain protégé, à aller au-delà de ce qui est issu de l'impulsion immédiate, de l'impatience, de la paresse, de l'influence extérieure, de toutes nos pensées limitantes comme de la peur de tenter quelque chose de nouveau . Cela touche les domaines de l'entrainement, de la rééducation, de la formation, du travail, de la vie quotidienne, des décisions personnelles, de notre impact sur notre monde et tant d'autres encore ...
La notion de confort est différente selon les personnes, même au sein d'un même environnement..
La société dans laquelle nous vivons tend à augmenter les exigences, par exemple :
- en nous fournissant un médicament pour tous les petits troubles
- en nous vendant des plats tout faits, des légumes et des fruits prédécoupés, des facilités ou appareils"domestiques" sophistiqués, des radiateurs supplémentaires, des climatiseurs ...
- en nous incitant à acheter des moyens de déplacement à assistance électrique même pour les enfants (!!!!)
- en nous donnant, via internet, des réponses faciles, immédiates et presque sans recherche à nos questions du quotidien
- en multipliant les interdits soi-disant pour nous protéger en nous proposant un encadrement pour tous nos projets et activités, réduisant notre autonomie.
- en nous amenant à vivre dans un environnement aseptisé, qui nous rend plus vulnérables ensuite
On voit des personnes catastrophées par le moindre bouleversement du quotidien, terrifiées par le moindre risque de pénurie , angoissées à l'idée de se lever tôt une seule fois, de sauter un repas, de se déplacer à pied même sur 300 m ...
Je ne suis pas à l'abri des exigences de confort, loin de là , mais pour ma part j'ai toujours été étonnée par les "impératifs" de confort "météorologique" des gens !
La réflexion qui m'a le plus surprise était celle d'une collègue d'une cinquantaine d'années à l'époque, qui attendait les soldes de janvier avec impatience, et qui pourtant avait renoncé à aller faire les magasins "parce qu'il faisait trop froid" ... ce n'était pas non plus pendant une vague de froid ... juste un hiver quoi, un petit 0°C peut-être ... et je suis sûre qu'en plus elle avait un manteau bien chaud !
Je repensais à notre séjour en Pologne, en janvier 91 , invités par des étudiants dans une petite ville où il faisait -15°C du matin au soir (pour ne pas parler de la nuit) ... et tout le monde se baladait en ville ... personne ne se plaignait ni ne renonçait à quoi que ce soit et pourtant l'équipement vestimentaire de nos compagnons était assez rudimentaire !
En revanche, si je suis assez insensible à l'inconfort "météo" , je suis capable d'être vivement contrariée par un objet du quotidien perdu ou par un ordinateur en panne ... chacun ses faiblesses
Tous les domaines sont plus ou moins touchés par nos supposés "besoins" de confort ... par exemple l'alimentation : là aussi des faux-besoins ont été créés, sans aucune nécessité physiologique, au contraire ... . On pourra m'objecter que c'est "pour le plaisir" que l'on mange très sucré, de la viande tous les jours, ou des tomates en hiver , le seul truc c'est que l'on ne tire pas de plaisir particulier de quelque chose qui est devenu une habitude. .
On n'a que le côté négatif d'une forme d'addiction, l'envers de la médaille : le manque, quand ce "plaisir" devient inaccessible, voire la jalousie vis-à-vis de ceux qui en disposent . Au fond, on devient grognon !!!
Les grands espaces du Vercors, une forme de confort qui vaut tous les conforts de la civilisation ...
Il est fabuleux de constater à quel point le confort retrouve son statut de "plaisir de l'existence" quand on en est privé, même un tout petit peu !
aaaaaah la saveur d'une boisson chaude quand on a été exposé au froid, d'une bonne douche après l'effort (ou après quatre jours en refuge de montagne) ....
mmmmmm le bonheur du croissant au petit matin après une nuit sur le vélo ...
youpiiiiiiiii ....retrouver son lit quand on manque de sommeil ...
super de retrouver les réseaux sociaux après une semaine de break
Ce retour à l'essentiel est pour moi un des grands bénéfices des épreuves longue distance à vélo, où une modeste privation redonne du relief aux petits plaisirs.
Un toit pour s'abriter de la pluie, léger à transporter ... pour les périples de l'été voilà une "maison" confortable !
Savoir goûter les plaisirs du confort, sans être affecté par le fait de devoir s'en passer temporairement, et sans en devenir trop dépendant, nous permet de nous adapter plus facilement, dans un monde qui change sans arrêt, et peut-être de découvrir ou redécouvrir des activités pas si désagréables que cela, voire même gratifiantes (marcher, faire soi-même, partager ...)
Il faut noter que dans certaines circonstances, sortir de la zone de confort admise comme "normale" peut déplaire à l'entourage ou même choquer ... c'est un risque à prendre. De confort à confor...misme, il n'y a qu'un pas ... même si l’étymologie n'est pas la même !
En somme, redonnons au confort ses lettres de noblesse : qu'il soit une récompense et non pas un dû, tenu pour acquis .... rien de tel que de transmettre à nos enfants un moment de petit inconfort, un bivouac frais sous les étoiles, une course sous l'orage pour se mettre à l'abri, un lieu où il n'y a pas le contenu des rayons du supermarché , ni télévision, ni réseau parfois, un moment d'autonomie sans cadre ni cage ...
Prenons garde, au moins dans une certaine mesure, à la dépendance, sachant que nous devrons peut-être à l'avenir nous passer de certaines choses, ou qu'elles deviendrons plus rares, et goûtons bien ce qui reste possible.
Et avec le mot confort, ne pas oublier que l'on peut faire "réconfort"(c'était d'ailleurs le premier sens du mot confort) , et que ce petit "ré" en plus apporte beaucoup de chaleur humaine et de tendresse .
Joyeux Noël à tous, avec un confort apprécié et du réconfort sans modération !
“Une surabondance de miel écœure, une surabondance de vin trouble le cerveau, ainsi une surabondance de confort draine l'homme de sa force.”