En route pour le calvados !
De jeudi 21 aout à samedi 23 aout , vélo de route 808 km, 5749 m D+
Comme en 2012, j'ai décidé cette année de me rendre sur notre lieu de vacances familiales, proche de Lisieux dans le Calvados, à vélo. Je dis souvent que c'est parce qu'il n'y avait pas de place dans la voiture ... ce n'est pas totalement vrai, mais ce qui est sûr, c'est qu'il n'y avait pas de place pour moi et mon vélo, du moins à partir de Paris où la voiture prenait de nouvelles passagères.
Pour le plaisir, je change totalement d'itinéraire cette année : contournement de Lyon par l'est, traversée du Morvan, puis passage 100 km au Sud de Paris pour rejoindre Chartres, aux portes de la Normandie.
Jeudi soir, je serai hébergée par mon ami Valex ... et vendredi par les cousins de Jérôme, Jacques et Chantal, près de Montargis. Mes étapes sont , sur le papier, bien équilibrées, même si le J2 monte sur la première marche du podium à la fois pour l'étape la plus longue et pour le plus gros dénivelé.
Je pars équipée en mode "brevet" , c'est à dire avec l'éclairage pour le matin, un chargement très limité (sacoche de selle XL et sacoche de cintre) et une tenue d'été (avec tout de même manchettes, coupe-vent imperméable, et deux "buffs" pour le cou et les oreilles, et deux cuissards de rab) Une tenue de rechange légère complète le bagage.
Jeudi 21 août , Bourg les Valence-Varennes le Grand,
266 km, 1828 m D+ en 12h02 (total 13h30)
Il est 5 heures ...Paris ... s'éveille ... ou pas, en fait je n'en sais rien, moi je quitte mon domicile et traverse incognito Chateauneuf sur Isère qui dort encore. Un moment bien agréable que de partir en vacances de cette manière, en filant sous les étoiles, dans l'air frais et (pour l'instant) bien calme. Marrant aussi d'être confrontée à l'étrangeté de la nuit, sur des routes aussi connues ...
Hauterives
Il ne fait guère plus jour quand je traverse St Donat, mais à Hauterives le soleil se lève tout juste . Je refais le plein d'eau. Incroyable cette commodité que l'on a dans notre région, de pouvoir trouver de l'eau presque dans chaque village ... c'est loin d'être le cas partout en France .
Je grimpe sur le coteau pour rejoindre Lens-lestang , et une voiture s'arrête à mes côté : c'est un sympathique lecteur de mon blog, qui connait bien Patrick, qui m'a reconnue en route et a fait demi-tour pour me saluer. L'arrêt est de courte durée car il s'en va prendre le train mais c'est une agréable paranthèse dans une journée qui ne fait que commencer.
Au delà de Pommiers de Beaurepaire je prends les petites routes, j'ai parfois de petites surprises à 13% comme du côté de Villeneuve de Marc, curieuse région dont il faut se méfier J'avais gardé mauvais souvenir des environs de Bourgoin, du coup malgré mon tracé je passe bien plus à l'Est, et suis ravie de mon choix. Car ça avance vite, sans trop de voitures, malgré le côté très urbanisé du secteur. Je passe à Diémoz, ce qui me fait inévitablement penser à Cricri (mais j'y aurai pensé quand même, sans cela ) Je ne suis pas loin de chez lui (mais ce jour il est parti chasser sur d'autres terres !)
Crémieu
Contente de mon avancée, ayant respecté le sacro-saint VINGT-DE-MOYENNE-PAUSES-COMPRISES, je prends un petit café à Crémieu, sur une place ravissante. Impossible de retrouver le réverbère où je m'étais cognée la tête il y a trois ans
en voulant regarder une belle porte médiévale. Il n'a peut-être pas survécu au choc ?
Toujours assez contente d'avoir évité la grosses circulation, je continue ma route vers Pérouges où je décide de faire un peu de tourisme. Je pousse le Time dans les magnifiques ruelles médiévales et j'achète une part de galette au feu de bois. Je suis furax en voyant la taille de la part. Plus les années passent, plus elle diminue. Heureusement que je transporte des vivres plus nourissantes.
Pérouges
Je reprends ma route, me voici dans les Dombes, en territoire presque inconnu. Je fais d'ailleurs une petite erreur de navigation, vite rattrappée. Le vent m'avait assez peu gênée jusque là, d'abord parce qu'il se renforce l'après-midi, et d'autre part parce que le début est bien vallonné. A présent il est sensible, toujours de face, et je roule les mains en bas du guidon.
Je ne visite pas le Parc aux Oiseaux de Villars les Dombes, mais je vois une bonne centaine de cigognes et je tente une photo. A ce moment je croise un cycliste qui fait des yeux ronds, mon arrêt cigogne doit le faire rigoler.
Mais je roule quand même, maintenant un petit 22 de moyenne roulée , ce qui pour moi n'est ni excellent, ni mauvais, juste la routine. J'ai l'impression de maîtriser mon étape, peu à peu les paysages changent, et comme quand on roule sur l'A6 je vois les indications passser de "Lyon" à "Macon" puis "Tournus" . Après 17 h, je signale ma position à l'ami Valex. Il enfourche son destrier (pas celui qui est motorisé ) et vient au-devant de moi, il nous reste une quinzaine de kilomètre à faire ensemble.
Le vent a faibli et le final est facile et rapide.
Rapide même si je fais remarquer à Valex que Varennes-le-Grand c'est grand car on a le temps d'avoir une vraie conversation depuis qu'on a passé la pancarte.
A 18h30 je peux poser mes affaire dans la caravane qui sera ma maison pour la nuit, et faire connaissance avec les fils de Valex et Sabine, et avec Fourby la chienne qui déploie tous ses talents de séductrice. Un bon repas , une agréable soirée , après une journée bien remplie, ce soir je me dis que 260-280 km est exactement la bonne longueur pour une étape-voyage, disons pour avoir l'impression d'avancer sur la carte de France, sans se priver de quelques pauses et sans avoir de mal à repartir le lendemain.
Vendredi 22 août Varennes le Grand - La Selle en Hermoy (Loiret)
276 km, 2500 m D+ en 13h02 (total 14h30)
L'ami Valex se lève avec moi à 4h30 ... sympa de sa part et de plus il garnit mes poches (sandwiches et un paquet de "prince" tout entier ) ; de plus il m'explique comment rejoindre la route d'Autun.
Et voilà , 5 h, je pars dans le noir sur un territoire inconnu.
Ca se passe bien à un petit détail près. Quand je rejoins la nationale (peut-être pas comme j'aurais du), je la prends à l'envers. Comment ai-je pu faire cette erreur ???? je m'en aperçois 1,5 km plus loin . Je pense que c'est un coup du Time. Il savait pour les prévisions météo. Pour le vent d'Ouest. Alors il a essayé de repartir dans l'autre sens.
J'ai vite fait de rectifier les choses, et je trouve même facilement la voie verte qui va à Givry.
Rouler sur une voie verte inconnue, bordée d'arbres,la nuit, est un peu bizarre. J'ai l'impression d'être dans un film ou un jeu video où on va me dérouler éternellement le même tapis. Elle ne fait pourtant que 7 km La route à partir de Givry est très jolie et agréable, et ça va durer toute la matinée.
Le ravito n'est pas loin
Je m'élève dans les vignes , du côté de Mercurey. Quel dommage, au contraire de la veille, le ciel est nuageux et le lever de soleil brouillé. Je suis maintenant la route Autun. Autun, 44 km. J'ai le temps de faire des jeux de mots avec "Autun"
- pour me réveiller, Autun-tamarre
- gastronomique, Autun et au laurier
- cinématographique, Autun en emporte le vent (ah non, pas lui !)
- revenons au vélo, Autun où tu vas, t'es pas arrivée !
Tout à coup, les nuages se dissipent, et le soleil fait son apparition ... au même instant, la température chute de 11 à 7°C !
Magnifique arrivée sur Autun
Bien fraîche est la descente sur Autun, où je m'offre un grand café au lait .
un régal les routes du morvan
Le Lac des Settons
Je repars en direction du Lac des Settons , la température regagne des degrés, je peux enlever le buff et le coupe-vent. Pendant deux-trois heures j'ai une gêne au genou droit, ça m'inquiète, puis cela disparait totalement à la mi-journée. je pense que c'était du au froid. En attendant le Morvan est un vrai régal pour faire du vélo : calme, bonnes routes et pentes douces ... sauf ... à Moux en Morvan, où je me laissais aller à une pensée sur le relief que je trouvais un peu mou, lui aussi ... et là paf ... 11% dans le village ... mais je crois que j'avais pris un raccourci.
Le Lac des Settons se fait désirer ... désirer ... des pancartes partout mais on ne le voit pas ... jusqu'à arriver au bord .
Partout on vend des ... sapins de Noël !
La suite est magnifique. je passe dans Les Lavaults, le hameau où ma mère a été institutrice en 1954 . Royale est la descente sur le village de Quarré les Tombes, un coin assez vivant où se trouve une belle chocolaterie, mais c'est avec deux bananes que je complète mes "vivres de course".
Quarré les tombes
Je vise à présent l'abbaye de Vézelay mais je reste en contrebas, pour reprendre un bout de l'ancienne RN6 .
Km 172 . J'avance correctement mais je dois quitter cette vallée de la Cure vers l'Ouest et je sens que le vent s'est renforcé. A Voutenay sur Cure, je trouve une bele petite bosse qui permet de rejoindre aisément Mailly la Ville.
Une belle voie verte, mais où va-t-elle ?
Ensuite ... ben ensuite, c'est dur. Terrain découvert , sans arbre, et fort vent de face. Des montées faiblardes mais où je suis scotchée et des descentes désolantes où il faut pédaler furieusement pour atteindre 24 km/h.
Je ne tarde pas à être attaquée au moral.
Je me découvre des problèmes qui multiplient les petites arrêts , de manière anarchique , des problèmes absolument fondamentaux comme JEPLUDO, YAPAD'RESO (pour appeler les cousins) ,JETROCHO, etc ...
Pourtant cela ne dure que deux heures, parce qu'au delà de Toucy, la route s'incurve progressivement de nouveau vers le Nord, et les choses s'arrangent de suite. Immédiatement, dès que le vent me gêne moins, je retrouve le bonheur de rouler à travers ces terres que je ne connais pas.
Ca grimpe à 3-4% en longeant la propriété d'Alain Delon
Je finis par retrouver du réseau, et Jacques me décrit la meilleure route pour l'arrivée ... une jolie petite bosse qui longe la propriété d'Alain Delon (le mur fait minimum 2 à 3 km juste sur un côté !)
19h30 ... j'en termine, presque plus vite que prévu, et fort agréablement sur de petites routes dans une jolie lumière dorée.
De nouveau, je passe une bonne soirée avec mes hôtes aux petits soins. C'est l'occasion aussi de revoir la famille (ce n'est pas si souvent, nous nous retrouvons parfois en Normandie ... mais tous les quatre ou cinq ans !)
Il me reste une étape de 260 km ... dont nous peaufinons ensemble les détails, le soir, devant les cartes. Je décide de décaler mon départ à 5 h30 (en me disant qu'une arrivée à 20 h, c'est correct)
Samedi 23 août , La Selle en Hermoy, Prêtreville,
266 km, 1428 m D+ en 13h46 (total 15h20)
Samedi, 5h30, Chantal et Jacques se sont levés pour me tenir compagnie et me voir m'enfoncer dans la nuit. J'ai bien enregistré les explications sur l'itinéraire et ça déroule sans encombre jusqu'au lever du jour, à part un arrêt pour m'équiper à cause d'une petite averse qui ne durera pas.
Chateau Landon
Des biches m'attendent sous le joli village de Chateau Landon, en haut duquel je fais une petite erreur de navigation, vite récupérée. J'ai tellement fait de trajets en voiture, comme passager, en apprenant l'atlas par coeur que je ne peux pas me tromper très longtemps.
Je dépasse Puiseaux, Briarre ... tout va bien ... je monte une petite bosse et là, il se lève .
Le Vent de Face . Il est 8h30 et il ne va plus me quitter .
Je suis maintenant dans la plaine de la Beauce . Il n'y a pas un abri, pas un buisson, pas un arbre, RIEN qui dépasse les 20 cm depuis que les blés sont moissonnés.
Bagarre
Paysage un peu triste ...
Ramoulu ... un mélange de ratatiné et moulu ?
Les villages sont déserts.
Alors je mets les mains en bas du guidon, et je débranche le cerveau. Au début, je fais tout pour cesser de rouler à 18,5 km/h . En danseuse. En moulinant à fond. 22 km/h ... et 300 m plus loin ... 18,5
C'est comme si j'avais un bateau à moteur, que je ne parvenais pas à démarrer, et que je rentre avec les rames. . Usant. Je laisse tomber le moteur et je rame. En évitant de calculer à quelle heure je vais arriver, ce soir .
J'essaye d'imaginer la vie dans ce coin. Je me réjouis d'habter là où j'habite
Chartres, 40 km ... 36 km ... 22 km ... ainsi s'écoule la matinée. Et peu avant 13 h, j'entre dans Chartres. Il fait assez beau.
Chartres
J'ai très faim, envie de salé et ne trouvant pas de boulangerie, je craque pour un kebab frites. C'est un choix bizarre, non pas tant pour le kebab frites (qui était un de mes fantasmes pendant le brevet 600 km) , mais parce que cela fait perdre beaucoup de temps.
Ceci dit le vent semble me désorganiser et me faire faire des choix contre-productifs.
Vive le sport extrême
Je m'approche d'une belle cellule orageuse ...
Et ce n'est pas fini. Verneuil sur Avre est mon prochain but, à 53 km ... je vais mettre plus de 3 heures à y parvenir. Comme je n'ai plus d'eau, je dois rentrer dans la ville. Erreur de navigation ... et 15 mn de perdues. De plus, je fonce tout droit dans un orage accompagné d'un vent tempétueux ...en 3 mn, je suis trempée et gelée par une forte chute de température. Nouvel arrêt pour m'équiper.
Il est maintenant 17 h !!!! je crois qu'il reste 90 km , et que je n'arriverai pas avant la nuit.
Mais je ne suis pas seule. Il y a des SMS qui arrivent au bon moment, même si le vent manque de m'arracher le téléphone.
JE M'EN FOUS ! J'ARRIVERAI QUAND MEME ! NON MAIS !
La première éclaircie, vient d'une pancarte : l'Aigle, 19 km . Cela signifie que je suis plutôt à 70 de l'arrivée, pas 90 .
La suivante, c'est le terrain. je prends la direction de Rugles, et le paysage devient vallonné, avec des arbres. Après Rugles, le vent est de côté ... puis de 3/4 dos ... quel bonheur .... de nouveau, je roule normalement .
VIVE les bosses du Pays d'Auge.
Une fois encore, je fonce dans une grosse averse. Il me reste 40 km . Je parle au nuage noir. Je lui dis allez, vas-y, envoie le déluge ,ça m'est égal, tu ne m'empêchera pas d'arriver le soleil me dit "t'en fais pas, je vais revenir" .
Et ainsi se passent les choses ... déluge, soleil, et de plus en plus vite, je me rapproche ... le comble est qu'à la fin, je n'ai pas pris la route la plus rapide pour terminer ... j'ai fait au moins 5 km de rab, et même un petit passage à 9% parfaitement inutile, ce n'était pas vraiment volontaire ... j'étais si certaine de terminer à 21 h, que j'ai terminé à 21 h
Brume dans la vallée de la Touques
Les 40 derniers km ont effacé l'impression pénible de la lutte contre le vent pendant tant d"heures. La position basse maintenue trop longtemps m'a laissé une perte de sensibilité partielle sur trois doigts de la main gauche (indolore mais désagréable, impression d'avoir le bout des doigts en carton) , qui, une semaine après, reste encore un peu dans un des doigts. Peu de fatigue en revanche ... je suis restée deux jours sans rouler, le premier pour me reposer effectivement, le second par force car il a plu à verse toute la journée de lundi !
La prochaine fois je pourrais bien faire l'aller en voiture et le retour à vélo
D'ailleurs, j'ai fait le retour à vélo jusqu'à Paris le 29/08... et c'était une toute autre histoire ...incomparablement facile ! mais bon, vent dans la Beauce mis à part, j'ai adoré traverser la France en vélo ... ça n'a rien de compliqué .... et ce n'est pas si long non plus ...un grand merci à Valex et Sabine, Jacques et Chantal, qui m'ont accueillie sur mon trajet avec beaucoup de gentillesse ! Et à tous les amis qui ont été à mes côtés par le biais des textos ....