Quatre jours dans les Ecrins. J3. Le sommet de l'Ailefroide
Samedi 24 avril 2010, Ailefroide Orientale, 1450m D+
Cinq heures ! Nous sommes plongés dans un profond sommeil, dans notre petit refuge où la température est devenue plus douillette. Les derniers qui se sont levés dans la nuit disent que la rembarde de la terrasse est couverte d'une petite pellicule de neige ... de fait, il fait gris et il neige encore un peu, c'est pas gagné cette affaire !
Projet majeur
C'est qu'aujourd'hui, nous avons un projet majeur : skier la face sud de l'Ailefroide orientale, 3847 m, excusez du peu, plus haut que l'aiguille du Midi à Chamonix !
Une vague éclaircie ...
Le temps de nous préparer, de descendre de notre perchoir pour gagner le fond du vallon et l'espoir renaît avec le jour. Au loin, une vague éclaircie se profile ... les premières pentes sont faciles et permettent un échauffement progressif. Le regel devient meilleur dès 2800 m, et les couteaux mordent bien. Les deux randonneurs arrivés au refuge hier sont un peu devant nous, nous les retrouvons parfois aux pauses.
Magnifiques séracs
Peu après, nous abordons le premier passage clé de la course : le franchissement d'une vire sous un magnifique mur de séracs, qui permet de prendre pied sur le glacier. cette année, tout peut se franchir à skis. Il faut échapper à l'attraction fatale des séracs bleutés et ne point trop s'attarder en ces lieux .... Plus haut , tout redevient très simple, il suffit d'enchaîner les lacets dans de grandes pentes douces.
Nous entrons dans un épais brouillard bleuté et tiède, qui laisse espérer une prochaine apparition du soleil. En attendant on n'y voit rien, et un peu de lassitude (et d'altitude) se fait sentir au sein de la troupe. Un lacet, un autre ... et le moment arrive où le voile se déchire, on débouche en plein soleil dans une sorte de cirque rocheux.
La récompense
A notre droite, une grande pente toute lisse , inclinée à 40°, et couverte d'une petite couche de poudreuse.
Nous en viendrons finalement à bout sans quitter les skis; ce n'est pas si simple, le ski aval rippe beaucoup et on doit retirer les cales de montée pour que les couteaux s'enfoncent dans la neige dure sous la poudre. Malgré tout, on prend de l'altitude ... la vue s'égare dans le lointain, au-dessus d'une mer de nuages très élevée dont seuls émergent les hauts sommets ...
Nous atteignons l'épaule, la pente devient moins raide . Encore une grosse série de conversions et c'est le sommet ... Il est 10h30. On ne peut pas s'approcher du bord, car d'importantes corniches dominent la face Nord , elles ont sans doute un dévers de plusieurs mètres. La vue est magnifique, malgré les nuages toujours présents
Début de la descente . E pericoloso aller trop à gauche !
La neige est excellente,une très belle descente nous attend ; la raide pente sous l'arête offre une neige de rêve, avec cette petite couche de poudre sur fond dur qui a compliqué la montée ; la suite est un peu plus humide mais se skie bien jusque vers 2700 mètres, même l'étroit passage sur le sérac. La fin est un peu pourrie mais qui songerait à s'en plaindre !
On ne se plaint pas
Après une pause au fond du vallon il faut remonter au perchoir cent mètres au-dessus.
Et là, surprise ! Deux nouveaux randonneurs montent au refuge ... non , trois, et le troisième, c'est notre copain Jean-Phi qui a pu se libérer plus tôt que prévu, et passer ainsi la barre de l'Ouro avant qu'elle devienne dangereuse. Nous terminons notre retour au "foyer" sous un soleil redoutable.
Un bel après-midi de farniente nous attend ; le soleil est très fort, et on ne peut pas s'y exposer trop longtemps. mais maintenant il fait bon aussi dans le refuge. Il y a à présent un peu plus de place sur la terrasse. Les purges descendent de tous les côtés avec la chaleur. La barre de l'Ouro est sur leur chemin. Pour l'instant, pas de nouvelles de Pierre et Antoine, nous pensons qu'ils on renoncé à cause du temps annoncé pour dimanche. Il vaudrait mieux d'ailleurs qu'ils ne soient pas dans ce passage à ce moment !
Pourtant, vers 16 heures, deux silhouettes apparaissent au fond du vallon. Parfois l'un d'entre eux enfonce dans la neige très ramollie,mais ils avancent bien . Bientôt l'un d'eux fait signe avec ses bâtons : c'est bien Pierre et Antoine !
La barre de l'Ouro étant impraticable, ravagée par des coulées incessantes , et ils ont remonté un couloir situé à droite du vallon, à pied. Ils ont du faire plus de dénivelé, mais c'était le prix à payer pour leur sécurité.
Antoine et Pierre, l'équpe est complète
Nous sommes heureux de nous retrouver tous pour la soirée. Certains ne se connaissent pas, Pierre et Antoine ont fait connaissance pour cette montée et se sont trouvé tout un tas de points ou d'amis communs. D'autres , comme Laurence et Pierre, n'ont partagé qu'une ou deux randos ensemble. On "liquide" la nourriture, car demain est le dernier jour.
Derniers repas au refuge
Mais demain est plein d'incertitude. Nous avons prévu un grand tour engagé, qui passe par une brèche alpine, avec plusieurs remontées et un retour à Ailefroide par le vallon de clapouse. La neige regelera-t-elle cette nuit après la chaleur de cette journée ? fera-t-il beau ? Pourra-t-on passer le col ?