Le Toit de L'Europe occidentale, presque 25 ans déjà !
Fin Août 1988, Le Mt Blanc, par le refuge des Grands Mulets, env 1800 m D+ en 7 h15
Une fois n'est pas coutume, voilà un article sur une sortie ... qui date de bientôt 25 ans. C'est vraiment loin. Et déjà un peu flou dans ma mémoire.
Une époque où Fille n'exsitait pas, où mon père était encore de ce monde, et où nous vivions en Italie, près de Milan, depuis deux mois . Nous avons pratiquement perdu contact avec la plupart des participants à cette mémorable épopée, sauf un : Yves Meinier, avec qui nous partageons toujours un ou deux WE chaque année, ainsi qu'avec Claudine son épouse et ses deux filles courageuses et sportives. Ce sera d'ailleurs le cas le WE prochain !
Yves, qui avait déjà un pied à terre à Argentière, nous propose l'ascension du Mt Blanc sur un WE, une proposition assez improvisée au dernier moment. . A cette époque, nous faisons toujours 3 à 5 sorties d'alpinisme chaque été, des courses classiques et faciles en neige ou rocher.
Yves a déjà gravi le Toit de l'Europe. Il n'aime pas tellement l'itinéraire d'ascension traditionnel par le refuge du goûter, avec la traversée du fameux couloir où les chutes de pierre causent chaque année la mort de plusieurs alpinistes.
Il préfère l'accès glaciaire par le refuge des Grands Mulets, situé bien plus bas à 3051 m d'altitude.
Le refuge des Grands Mulets (photo internet)
Cela nous fait un peu peur car il faudra gravir, le jour de l'ascension , plus de 1800 m D+ au dessus de 3000 m , c'est énorme, en plus sans acclimatation . A noter que nous n'avions jamais fait ce dénivelé auparavant , même sur sentier.
L'équipe est finalement constituée de sept personnes : Yves et ses deux copains belges dont je n'ai pas retenu les prénoms, Laurent, tout comme Yves un ami de lycée de Jérôme , Claire une copine venue de Marseille, Jérôme et moi-même.
Un couple d'amis, Jean-Louis et Emmanuelle doivent nous retrouver à Chamonix le dimanche soir, mais ils ne connaisaient pas notre destination.
On prend le téléphérique jusqu'au Plan de l'Aiguille, et tout le monde s'encorde, formant trois cordées, pour franchir la zone tourmentée des séracs de la jonction , assez terrifiante en cette fin août . (en fin d'été les crevasses sont très ouvertes ...)
Après avoir traversé quelques ponts de neige très impressionnants, on arrive au refuge des Grands Mulets.
Vue le soir depuis le refuge. On voit bien la trace à prendre ... même de nuit on ne se perd pas.
Il n'y a pas trop de monde. A cause du glacier compliqué , et du dénivelé, cet itinéraire est bien moins pratiqué que l'autre. Le taux d'échec y est cependant moins élevé que par le refuge du goûter, situé à 3800 m, trop haut pour bien dormir.
Le mal des montagne frappe durement sur les itinéraires du mt Blanc (presque 50% d'échec) , et son intensité ne dépend pas de l'entrainement à l'effort, mais varie d'une personne à l'autre (et parfois même d'une période de la vie à l'autre)
Le plus sérieux est de passer auparavant une semaine en altitude ... mais parfois,en dormant assez bas et en limitant le séjour au-dessus de 4000 à quelques heures, on n'en ressent pas trop les effets, m^me si on n'a qu'un week-end. .
Nous nous couchons à 20h ou 21h, ce soir là, car le réveil pour le Mt Blanc est à 1h du matin .
La première partie se déroule donc de nuit, souvent cela "passe "bien ces heures de nuit, à mettre un pied devant l'autre dans un demi-sommeil, franchissant sans le savoir des ponts de neige au-dessus d'abîmes insondables.
Vers 4 h du matin j'ai pris la lune pour un réverbère, c'est dire si je dormais
µ
Claire et Jérôme à 4000 m vers 6h30 ou 7 h
Le jour se lève, on est maintenant au-dessus de 4000 m. Il fait particulièrement froid, environ -10°C avec un vent violent, c'est éprouvant pour l'organisme en plein mois d'août . Nous arrivons au mythique refuge Valot et entrons un instant à l'intérieur pour que les cordées se regroupent. Il faut éviter d'y rester ; il y fait un froid glacial , et on y voit de nombreux candidats dans un sale état et le refuge n'est pas mieux
Personne de dort là, il est réservé aux cas d'urgence.
Le seul moyen de ne pas avoir froid est de reprendre notre marche vers le haut.
Le refuge Vallot (photo internet)
A part une faim chronique légendaire chez moi à cette époque, je me sens bien. Il fait un temps splendide et l'itinéraire est vraiment facile sur l'arête des bosses. Je me souviens quand même que l'altitude nous faisait marcher très lentement (250 m D+ /h environ avec les pauses) et que tout le monde était comme nous .... que l'oxygène rare rend paresseux : si on fait tomber un papier par terre, il faut faire un véritable effort de volonté pour le ramasser
Et aussi que chaque cordée avançait en autonomie ... qu'on ne s'occupait pas de ce qui se passait pour les autres . On n'a su qu'après que Claire était tombée dans les pommes pendant la montée, que Laurent l'avait dopée à la coramine glucose pour qu'elle termine ... parce qu'il avait déjà raté le Mt Blanc pour mauvais temps deux fois ... on en fait des bêtises quand on est jeune
9h15 Summit ... après environ 7h de montée ! La descente va nous prendre encore plus de temps ...
Yves fait un petit coucou Son compagnon de cordée a fait le Mt Blanc en jean
heureusement pas en tongs !
A 9h15, nous sommes pourtant tous les 7 au sommet du Mt Blanc. J'en suis très fière. L'alpinisme était mon rêve d'enfant et pour les gens qui ne le pratiquent pas, le Mt Blanc en est un peu le symbole .Pour la vue on se croirait dans un avion !
Ma doudoune "arctique" me permet de bien profiter du moment ... tout un symbole cette doudoune, je l'ai toujours ... je ne m'en sert plus, elle pèse un âne mort ... mais je ne peux pas m'en séparer !
La descente va être longue et pénible. Pour Claire surtout, qui est dans un véritable étatt d'épuisement, et qui est passée pas loin du retour en hélico. J'en ai vu des gens dont le mental lâchait, et qui pétaient la forme le lendemain, mais pour elle c'était autre chose, pendant toute la semaine suivante elle a dormi 15 h par nuit et peinait à monter une simple rue en pente ...Elle s'assoit sans arrêt sur son sac, ne bouge plus, il faut l'engueuler pour qu'elle reparte
Non, là c'est pas nous mais c'est bien la zone glaciaire à traverser sous le refuge des grands mulets !
Il faut retraverser le glacier, cette fois on voit bien ls crevasses, et ça fait peur. De plus un quiproquo sur l'heure me fait croire qu'on va arriver trop tard pour le téléphérique, qu'il faudra encore marcher 2 heures de plus pour descendre à Chamonix. Heureusement ce n'est pas le cas, et nous sommes tous très contents de monter dans la benne, la victoire à ce moment prend tout son sens puisque tout le monde est de retour et entier.
Nos copains qui nous attendent à Chamonix trouvent le temps long, ne savent pas où on est , contactent le secours en montagne ... une bonne leçon pour les prochaines fois de prévoir de grosses marges horaires !!!
Il faut encore faire les quatre heures de route jusqu'à Milan, on se relaye à trois pour conduire ... dur
Je me souviens encore du coup de fil à mes parents le lendemain, quand j'ai dit à mon père "Devine où j'étais hier "
Il aimait beaucoup la montagne, sans avoir été au-delà des sentiers, les récits d'alpinisme, et aussi la photo. Il connaissait tous les sommets . C'est lui qui m'avait fait découvrir la randonnée en montagne quand j'étais enfant . Sûr que pour lui le Mt Blanc c'était quelque chose !
Le Mt Blanc en automne 2005
Je ne suis jamais retournée au sommet du Mt Blanc. J'ai failli le faire , en 1995 ou 96 , à skis, mais je n'ai pas dépassé le refuge Vallot (4300 m) , victime d'une fringale impossible à assouvir !!! et d'un temps qui se dégradait rapidement. Je n'en ai pas spécialement envie non plus, une fois c'est bien, et c'est devenu assez compliqué pour réserver à l'avance au refuge. Mais ça reste un souvenir marquant ...
Ce qui m'a frappé en scannant les photos pour cet article, c'est de découvrir que j'en avais fait très peu !!! 6 photos en tout .... on n'était pas encore à l'époque du numérique ! Qui n'était plus très loin, puisque 5 ans plus tard j'ai travaillé sur un prototype de cabine photo numérique
Pour plus d'infos, un très beau récit à lire sur l'ascension du Mt Blanc avec un point de vue différent (ascension avec un guide, avec semble-t-il un enjeu plus fort et moins d'expériences préalables, mais beaucoup d'émotion)