Quatre jours dans les Ecrins. J1. La vie en refuge
Jeudi 22 avril 2010 , Ski de randonnée, Montée au refuge du Sélé , 1300 m D+
Des raids à skis, je n'en fait pas beaucoup ... l'en dernier nous avions fait, à la même époque, des randos en étoile autour d'un gîte gardé et accessible en voiture. Mon dernier périple à partir d'un ou plusieurs refuges remonte à 2005.
Aussi suis-je toute excitée les jours qui précèdent ce jeudi, un vrai lion en cage. peur que quelque chose m'empêche de partir, peur d'oublier quelque chose, peur que la météo ne soit pas bonne ... impossible de me calmer.
Il faut dire que quand on dort au refuge d'hiver du Sélé, on verra qu'il vaut mieux ne pas avoir oublié quelque chose d'important (le gaz ... le briquet ...!) .
Top départ Attention au verglas !
Nous sommes cinq copains à partir ce jeudi, à 7h30 de la barrière sur la route, située un peu au-dessus de Pelvoux. La route n'est pas encore dégagée, elle le sera avant samedi mais nous ne le savons pas. Les sacs semblent horriblement lourds , ils pèsent de 13 à 18 kg, sans les skis, qu'il faut ajouter sur le sac pour le premier kilomètre sur la route. Heureusement, nous pouvons ensuite chausser, il y a une bonne couche de neige au sol.
Notre progression est très lente, Il y a une distance importante, de longs replats avec parfois même de petites bosses à redescendre, nous sommes très chargé et bientôt, le soleil vient compliquer la tâche.
La pause s'impose
Barre de l'Ouro ... il faut passer au-dessus à gauche !
Nous arrivons à la barre de l'Ouro, qui défend le haut vallon du Sélé. L'été, un sentier équipé de câbles permet de surmonter ce ressaut rocheux. Il est impraticable en ce moment, câbles et sentier sont enfouis sous la neige. A gauche, en versant Nord, on peut remonter à skis au-dessus de barres, puis traverser dans une pente à 30° très exposée pour parvenir dans le vallon supérieur. Il existe aussi un autre passage à droite, sous forme d'un petit couloir raide qui oblige à monter plus haut, puis redescendre.
Aujourd'hui nous passons à gauche, et le passage est en bon état : un peu de neige froide plus ou moins croûtée puis une transfo rassurante dont le fond portant a subi les effets d'un regel féroce. Nous percevons bien poutant son côté piégeux : gelé, ce serait un toboggan mortel avec saut de 50 m en bas. Par grosse chaleur, ce sont les coulées qui peuvent vous embarquer en bas.
Fait chaud ...
Perchoir
Après une bonne suée dans la dernière pente tranquille, nous parvenons à notre perchoir, le refuge d'hiver du Sélé. le panneau sur la porte indique une altitude de 2710 m, mais elle est fausse, on est plutôt vers 2600 m ! Nous voilà perchés en tout cas.
Dans cette cabane en bois assez sympathique, il y a vingt places, des matelas, des couvertures, quelques ustensiles de cuisine (dont un jerrican, une casserolle ) mais pas de gaz ni de poële. Les alentours sont encore vraiment très enneigés : au moins 1 m de neige sur la terrasse. Vu la position à flanc de pente (et au bord du ravin) , aller aux toilettes en s'isolant un minimum nécessite une prise de risque , surtout en chaussons de refuge pointure 44 quand on chausse du 37 .
Au mieux on perd un chausson et on se retrouve pied nu dans la neige . De plus au bout de quelques jours le coin n'est plus très accueillant
.
Nous avons devant nous un bel après-midi ensoleillé, sous l'oeil luisant du glacier des Boeufs Rouges. Les occupations et les plaisirs sont variés : le déneigement de la terrasse où le mètre de neige recouvre 10 cm de glace vive(et le balayage avec un petit balai dont je balancerai involontairement la tête dans le "vide-ordure") ... la douche à la neige et au savon (bien plus plaisant qu'on peut l'imaginer) ... la préparation du flan en poudre pour le soir ...et surtout boire, manger, boire, manger.
Nous avons trouvé à cinq mètres du refuge un filet d'eau qui coule joliment sur les roches au soleil, dont nous remplissons le jerrican. mais quand nous pensons à la goûter nous découvrons qu'elle a un fort goût de terre moisie, ou de mousse ! l'appellation "eau de mousse" devient officielle et nous ne l'utiliserons que pour cuisiner (et parfumer les pâtes
) . Pour remplir les gourdes il faudra faire fondre de la neige.
Avec la fatigue et la chaleur nous avons laissé tomber l'idée d'aller nous balader au-dessus du refuge l'après-midi. ; nous gardons le col du glacier noir, un objectif modeste, pour le lendemain qui s'annonce très médiocre du point de vue météo.
Intérieur du refuge
Le début de nuit est un peu agité par les va-et-vient incessants, c'est ce qui arrive quand on boit trop d'infusions et de soupes pour se réchauffer - A cinq, on ne réchauffe pas vraiment l'atmosphère - . Cela permet d'aller vérifier le temps qu'il fait, et à trois heures, avec les premiers flocons de neige, de désactiver le réveil prévu pour cinq heures. Enfouis sous les couvertures (quatre ou cinq chacun) nous profitons de la seule "grasse mat" (lever 7 h30) du séjour ...
Suite au prochain épisode ...