A Valence et dans la région rhône-alpes, du vélo de route mais aussi les sentiers, les rochers, la neige, les torrents !
Question de place
Publié le
par Brigitte
N’est-ce pas la raison d’être des rêves, de trouver sa place ?
Diana Evans
« It's only natural
That I should want to be there with you
It's only natural
That you should feel the same way, too »
Crowded House
Il y a des moments privilégiés dans l'existence où l'on a l'impression à la fois fantastique et apaisante d'être, précisément, au bon endroit, au bon moment : juste à la place qui nous revient.
Mais on n'a pas une place unique, plutôt des places, à trouver selon les moments de la vie …
Comme lorsqu'on compose un puzzle, attention, un grand puzzle de 5000 pièces et plus où il faut chercher, essayer, recommencer … tout à coup il y a cette satisfaction, la pièce vient s'insérer parfaitement, sans forcer, et l'image s'agrandit … et puis on recommence … en espérant que rien ne vienne mélanger les pièces déjà posées (ce qui arrive aussi très souvent :-( …hélas )
J'ai eu souvent cette impression fantastique de poser la bonne pièce, d'être à ma place … les relations proches procurent la plus grandes partie de ces moments (qu'on fasse le puzzle à deux ou que quelqu'un vous donne un coup de main pour le vôtre, ou l'inverse) et ceux-là je les garderai pour moi ...
....mais le sport (au sens le plus large possible) peut aussi jouer son rôle.
Octobre 1982
Les récits d'alpinisme ont bercé mon enfance. 342 heures dans les Grandes Jorasses, de René Demaison, les Grands Jours, de Walter Bonatti. Et en cette belle journée d'octobre un peu brumeuse, sur la falaise de Pont de Claix aujourd'hui condamnée, je fais mes premiers pas en escalade. C'est mon anniversaire, j'ai 20 ans, et en enfilant un baudrier, je réalise un rêve d'enfant.
Une pièce du puzzle vient d'être posée.
Juillet 1989, j'approche du sommet de la reine Meije, sommet mythique de l'Oisans. On croise une cordée avec un guide qui redescend, celui-ci me dit : « dépêchez-vous : vous êtes la première femme au sommet aujourd'hui. » . J'enjambe le « Chapeau du Capucin » , petit passage raide où d'un coup, on domine les 800 m de vide de la face Nord. J'ai les yeux embués derrière mes lunettes de glacier … je suis à ma place …
Sommet de la meije , juillet 1989
Mai 2000 … la grande Casse, « couronnement d'une carrière de skieur alpiniste » : ainsi un célèbre topoguide qualifiait cette longue et raide pente du glacier des grands couloirs.
En ce jour de mai 2000, la montée a été difficile pour moi. Je m'apprête à skier cette pente mythique. Avec mon compagnon de cordée, nous profitons de conditions idéales : temps parfait, excellente neige et solitude absolue sur ces pentes pourtant très prisées.
Je fais deux ou trois virages, je me retourne, je regarde ce « mur » au dessus de moi avec une espèce d'extase. « Je tourne ! J'arrive à tourner ! » J'imaginais être incapable de faire des virages dans cette inclinaison … devoir déraper le glacier des Grands Couloirs de haut en bas … à la place de cela ce sera un plaisir intense au rendez-vous.
Ce n'est pas un couronnement, c'est un début. Pendant une dizaine d'années, le ski de rando sera ma passion première ....
(photo internet) - La Grande Casse, glacier des Grands Couloirs
Juillet 2004
En bas de la clue d'Aiglun, le torrent a creusé des marmites où l'eau claire se jette en cascade et tourbillonne. Contrairement à la partie haute, sombre et étroite, ces bains bouillonnants naturels sont inondés de soleil, irrésistibles. Comme le courant est puissant, on craint d'être plaqué contre les parois, et de ne pouvoir en sortir. Alors on saute dedans encordés. Une fois, trois fois, cinq fois. On apprend à amortir des deux pieds contre le rocher pour contrer le puissant courant … à la fin, on n'a plus besoin de la corde … apprendre, maîtriser progressivement, progresser, cela aussi, c'est être à sa place.
Cette cascade restera dans un coin de ma mémoire comme un petit paradis …
(Photo internet), la cascade au premier plan
Avril 2005
Dans les Alpes de Lyngen, au Nord de la Norvège, c'est encore l'hiver. Notre bateau, le Caroline-Mathilde, nous dépose sur la plage … blanche, et notre petite équipe d'une dizaine de personnes va gravir et traverser un sommet, dont le bateau fait le tour par le Fjord.
La première pensée qui me vient, en remontant à peaux de phoque ce débonnaire sommet, est « Pourquoi ne l'ai-je pas fait avant ? Je suis faite pour ça ! »
Quelques mois plus tard, les pièces seront quelque peu mélangées, et je devrai commencer un autre puzzle …
Mai 2005 dans les Alpes de Lyngen
Juin 2010
Mon premier 300 km … j'en ai rêvé. Et ce matin-là, je suis en route.
Il est 8h30, je viens de faire 100 km, et dans l'air frais, limpide du matin, dans les premières pentes du col de Menée, je ressens une joie profonde. On n'est qu'au début de la journée et j'ai déjà fait 100 km ! J'écris « je me sens plus vivante que jamais ».
J'ai choisi un « défi », ce défi sera à ma portée, avec juste ce qu'il faut de difficultés …dans le monde du vélo, je viens de trouver une place, indiscutablement. Ce n'est pas la dernière …
Juin 2010, Crest, mon premier 300 km
20 Août 2015
Quatre jours plus tôt, j'ai ouvert une parenthèse enchantée. Je me suis élancée avec des milliers d'autres sur les routes de Paris Brest Paris.
Des émotions, des hauts, des bas, des échanges, ces quatre jours ont été à la fois extrêmement riches et en même temps, très concentrés sur le but final, sur les tâches essentielles à accomplir pour rallier Paris sans encombre après l'intermède breton.
Je suis arrivée …allongée dans ma chambre à St Cyr l'école, je sombre dans un sommeil bienheureux …il y a la musique des SMS qui arrivent et je la laisse exprès … tendant parfois le bras jusqu'au téléphone pour les lire avec les paupières à demi fermées …
Bonheur d'être « finisher » … fatigue heureuse … et certitude que oui, ma place était là, sur PBP.